Expos

Au 6b Bouphonie célèbre nos superstitions comiques

22 January 2021 | PAR Lise Ripoche

Au 6b, la “bouphonie” devient une exposition collective en 3 actes; scènes grotesques où l’absurde règne en maître.

Sur les quais de Seine à Saint-Denis, dans une ancienne friche industrielle, en haut d’un escalier résonnent tous les jours des éclats de voix excentriques sur des accords dissonants de guitare électrique. Dans les 7000 m2 de l’espace du 6b, pas besoin de guide, il suffit de suivre ces sons qui pourraient provenir d’une bacchanale enivrée pour parvenir à l’espace d’exposition des “bouphonies”. 

 

Un procès bouffon

“Bouphonie ?” direz-vous, et “bouphonie” répondrai-je d’un ton assuré, pour vous lire par la suite la page wikipédia qui pourrait faire office de note d’intention de l’exposition. “Les Bouphonies étaient une cérémonie de la Grèce antique.” (en habile ménestrel, saut de quelques lignes trop savantes, entrée dans le vif du sujet) “Le sacrifice se déroula comme suit : des jeunes filles étaient d’abord désignées et apportaient de l’eau pour affûter une hache et un couteau puis quelqu’un donna la hache à celui qui frappa le bœuf et qu’un autre égorgea (pour le vider de son sang). Le bœuf mort était ensuite préparé et consommé par tout le monde lors d’un banquet. On « reconstituait » ensuite l’animal avec sa peau et de la paille, le bœuf « ressuscité » était alors mis sous le joug pour le « remettre » au travail. Un procès fut ensuite organisé où tous les protagonistes furent accusés à tour de rôle et se dédouanèrent en désignant un plus coupable qu’eux ; les porteuses d’eau accusèrent l’aiguiseur qui accusa celui qui se saisit de la hache et ainsi de suite jusqu’à ce que l’égorgeur dénonçât le couteau qui lui avait servi. Le couteau, sans réponse, endossa la responsabilité du crime et fut jeté à la mer.”

 

Délire bachique

L’exposition “Bouphonie” reprend à son compte ce principe-farce d’une cérémonie en actes, où chacun se renvoie l’accusation dans un procès parodique que conclut une jolie pirouette. Scindée en trois actes et un épilogue, l’exposition composent des scènes absurdes où se côtoient pêle-mêle: un clown sur une balle de tennis sur une saucisse, un banc en aluminium sur lequel on ne peut pas s’assoir, des boules en papier fragiles sur lesquelles on rêve de s’allonger, une tenture avec des souvenirs pastels évaporés, clowns ou monstres candides, des vitraux-enseignes kitsch, un monstre vert, grosse tête petite pattes étonnamment attendrissant, un tamis à poussières, des forêts de saules abritant des meurtriers en chaussettes, des chevalets en mousse et des cerveaux comme des coraux, une scène ahurissante au délire bachique, trublions et arlequins, des têtes qui s’informent et se déforment sur un rythme stroboscopique, au mur la peinture qui dégouline, le sol comme une décharge publique.

“Bouphonie” a été pensée comme un collage: elle met en rapport des objets issus d’univers différents qu’elle associe dans une effervescence sans limite. Et ça marche: les oeuvres se mettent à dialoguer, cohabitent et se renvoient la pareille dans un brouhaha comique. Indécidable cortège de monstres tendres, parade joyeuse qui parcoure les âges, la “bouphonie” propose d’abandonner tout espoir de rationalisation pour entrer dans la ronde. Bacchantes, dansez ! 

 

Du 15 au 28 janvier, “Bouphonie” met à l’honneur la jeune création: Benjamin Collet, Boris Régnier, Léa Rodriguez Rocha, Nastasia Meyrat, Lauren Coullard, François Dufeil, Marguerite Li-Garrigue, Tommy Bougé Feat. Adrien Cugullière, Fredf Moussa, Louise Hallou, Ji-Min Park, Brieuc Maire, Théo Ghiglia, Paul Dagorne et Antoine Granier. 

 

crédit visuel: photographie personnelle de Les ombres bougent si vite de Marguerite Li-Guarrigue

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