Théâtre
[Francophonies, Bilan] Marie-Agnès Sevestre, directrice : « un lieu où il est possible de se parler »

[Francophonies, Bilan] Marie-Agnès Sevestre, directrice : « un lieu où il est possible de se parler »

09 October 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

En fin de semaine dernière, la 31ème édition des Francophonies en Limousin a pris fin. Rencontre avec leur directrice, qui, en ménageant à chacun une place, et en « maintenant son équipe dans un état de curiosité », travaille chaque année en vue de conserver la richesse et le caractère très agréable du festival.

image002Cinquante-trois représentations en onze jours, sans compter les lectures et les rencontres, ce n’est pas rien. Quels axes avez-vous privilégiés pour aider les Francophonies à grandir, au cours de vos huit années de direction ?

Marie-Agnès Sevestre : J’ai essayé que chacun puisse se faire un parcours dans le festival. Pour les artistes, j’ai privilégié la production de nouveaux textes, et fait en sorte que des spectacles aux formes assez inédites, parfois venus de loin, puissent être vus et aimés. Pour les spectateurs, j’ai tâché de proposer un éventail assez large de disciplines. Et d’ouvrir des voies de traverse, comme la tente où les artistes viennent conter et jouer leur musique.

Daral Shaga, opéra de Kris Defoort, au livret écrit par Laurent Gaudé, mis en scène par Fabrice Murgia et le circassien Philippe de Coen, a attiré plus de 2 000 spectateurs, en deux représentations. Comment imaginez-vous de tels projets, mêlant ambition artistique, grand public et politique ? [l’opéra met en scène des exilés confrontés à des « murs »]

Marie-Agnès Sevestre : Ce projet m’a été proposé. La direction de l’Opéra-Théâtre de Limoges avait travaillé dessus avec Feria Musica, la compagnie de Philippe de Coen. J’accepte que les Francophonies soient partenaires lorsque je sens que le projet a un grand intérêt, et quand il résonne avec nos thématiques. Il est au final bien plus réussi lorsque plusieurs structures y collaborent.

Dans la conjoncture actuelle, comment pensez-vous que spectateurs et artistes doivent fonctionner ensemble, afin de permettre au théâtre de demeurer un art vivant ?

Marie-Agnès Sevestre : On se trouve souvent pris dans des logiques de catégorie. Faut-il produire des œuvres que la critique remarquera ? ou se poser la question du goût du public ? C’est très bloquant. Et par exemple, personne n’aurait pu deviner que Littoral, de Wajdi Mouawad, aurait un tel succès… Je ne me préoccupe pas de faire se rencontrer un spectacle avec tous les publics. J’essaye que tout le monde ait sa place. Je m’arrange donc pour mettre les gens dans de bonnes conditions. Mon excellente équipe m’aide beaucoup. Sans stress pratique, le public et les pros pourront sentir qu’il est possible de se parler.

Quelles orientations sont prévues afin que le festival ait encore plus de contacts avec la ville de Limoges ?

Marie-Agnès Sevestre : Les spectacles se jouent dans tous les théâtres de la ville. Et l’ouverture, par exemple, s’est faite en plein air, avec l’oratorio de M. Bozonnet et R. Dubelski, dans les quartiers du Vigenal et de la Cité. Chaque année, la ville est habitée avec un projet différent. Pour qu’elle le soit encore plus, il faudrait qu’il y ait un Off aux Francophonies. Mais personne n’en a jamais eu l’idée. Actuellement, ce n’est pas notre préoccupation. Après, nos contacts avec les associations et le milieu scolaire, déjà très performants, restent toujours améliorables. Et il faudrait que le festival trouve un grand lieu, central, pour l’accueil et les rencontres.

Quels objectifs aviez-vous, en prenant la direction des Francophonies ? ont-ils été atteints, pour le moment ?

Marie-Agnès Sevestre : L’objectif que j’avais était de recentrer la manifestation autour du texte. Les Francophonies sont un lieu pour découvrir des auteurs dramatiques. J’ai dû aussi faire face à un problème imprévu : le Ministère des affaires étrangères nous a retiré son financement. Nos ambitions de développement sont donc devenues des objectifs de réduction et d’équilibre. Notre budget de communication, par exemple, est extrêmement maigre aujourd’hui. Le maintien du budget vient d’être annoncé, mais en six ans, il n’a pas augmenté. A présent, nous avons pour projet d’inviter chaque année un festival de théâtre. En 2014, il s’agissait de Mantsina sur scène (Congo). L’an prochain, nous aimerions faire venir les Récréâtrales du Burkina Faso. Mais ces projets restent fragiles.

Propos recueillis par Geoffrey Nabavian.

Visuel : © Miss V, Les Francophonies en Limousin, 2013

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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