A chercher Phèdre on s’y perd
Le metteur en scène polonais Krzyztof Warlikowski revient au Théâtre de l’Odéon avec Phèdre(s), un triptyque composé autour d’Isabelle Huppert. Une mise en scène en puzzle de trois textes contemporains de Wajdi Mouawad, Sarah Kane et JM Coetzee. Des arguments séduisants qui n’arrivent pourtant pas à se fédérer en une mise en scène, révélant un spectacle inégal et peu inventif.
Phèdre puissance 3
Après Un tramway nommé désir monté en 2010, Krzyztof Warlikowski retrouve l’Odéon et Isabelle Huppert dans une mise en scène labyrinthique qui fait se heurter les époques et les écritures. Reprenant son exploration des figures féminines, telle que Médée, crée en 2008, le metteur en scène compose une Phèdre plurielle à travers trois écritures contemporaines. Faisant appel à Wajdi Mouawad pour la première version, il s’en remet ensuite aux textes de Sarah Kane et J.M Coetzee, l’Amour de Phèdre et Elisabeth Costello.
Reprenant des auteurs qu’il a déjà porté à la scène, comme Sarah Kane, qu’il monte en 2001 dans Purifiés, Warlikowski exploite un principe de dialogue entre les auteurs qu’il avait déjà mis en œuvre pour (A)pollonia présentée à Avignon en 2009, où il faisait se croiser les écritures d’Euripide, Eschyle, Hanna Krall, Coetzee et Jonathan Littell.
Les trois textes éclairent les visages multiples de Phèdre, creusant son rôle d’héroïne tragique atemporelle qui sait aussi être contemporaine. La langue de Mouawad ne convainc pas réellement, se perdant dans un lyrisme malvenu au seuil d’un spectacle et dont le contraste avec la modernité et la violence propre à l’écriture de Sarah Kane peine à surprendre.
Le dialogue entre les textes est finalement peu exploité. « Je brûle », hurle par trois fois Isabelle Huppert, ce « mot clef» peu subtil, supposé faire des ponts entre les trois adaptations et faire office de fil rouge dramaturgique plombe une interprétation par ailleurs souvent fulgurante. La trilogie se révèle plus artificielle que féconde.
Une mise en scène en négatif
Krzyztof Warlikowski ne cesse d’user de l’image, comme pour multiplier encore le personnage de Phèdre par la vidéo ( avec des références à Psychose, Frances de Graeme Clifford et Théorème de Pasolini). Procédé cher au metteur en scène, la vidéo reste pourtant anecdotique et platement esthétique comparée à ce qu’elle est devenue dans un théâtre contemporain qui use avec brio de la « performance filmique ».
Au sortir de près de 3h30 de spectacle, on a l’impression que le seul moment de grâce se joue au seuil de la pièce, lorsque que Norah Krief, dont on aimerait qu’elle scande tout le spectacle, entame en arabe une chanson du poète égyptien Ibrahim Nagi. Tout aussi envoutante, la danseuse Rosalba Torres Guerrero, hypnotise le spectateur par une danse orientale brutalisée.
Il reste que des éléments disséminés ne font pas une bonne mise en scène, la difficulté étant sûrement de fédérer l’ensemble, tout comme les acteurs, qui semblent très distants les uns des autres, laissant à Huppert un premier rôle vedette qu’elle n’usurpe pas.
Crédit Photo: © Pascal Victor