
Berlinale 2014 : Avons-nous vu l’Ours?
Au jeu des pronostics, nous avions fait très fort l’année dernière, en devinant quasiment tout le palmarès. L’ours, décerné à Mère et Fils de Calin Peter Netzer (actuellement sur les écrans en France : voir notre critique) ne nous avait pas échappé. Mais, cette année, nous avons peut-être seulement vu l’ombre de l’ours… Nous n’étions plus à Berlin pour les trois derniers jours de la compétition et les échos autour du film de Richard Linklater (dont nous avions adoré les délicieux Before sunset, Before sunrise et Before Midnight) sont excellents. De même, le polar chinois Black coal, thin ice, nous faisait très envie. Avec trois films chinois et un film japonais, l’Asie est bien représentée dans cette sélection. Et n’oublions pas que le beau Tony Leung fait partie du jury… (mais de là à primer le décevant Blind massage de Lou Ye… parions plutôt sur Black coal, thin ice !)
Autant l’avouer, nous avons eu la mauvaise surprise de voir plusieurs films vraiment très moyens, voire carrément pompeux (Aloft de Claudia Llosa, La voie de l’ennemi de Rachid Bouchareb, Praia do Futuro de Karim Aïnouz, Die geliebten Schwestern de Dominik Graf). Ce n’est pas habituel à la Berlinale.
On pourrait dégager de la sélection une thématique récurrente : les figures de fils, en perte de repères, les questions de filiation (Boyhood, Praia de Futuro, Jack, In order of disappearance, Macondo, La tercera orilla).
En revanche, nous avons eu quelques coups de cœur : en premier, pour le film allemand Kreuzweg (Stations of the cross) de Dietrich Brüggemann. Epuré, d’une belle sobriété, c’est une réflexion forte et dérangeante sur l’intransigeance de la religion. La toute jeune Lea van Acken, qui joue une adolescente torturée entre les préceptes stricts inculqués par sa famille et ses envies propres, est bouleversante. Les 14 séquences sont étirées, chaque fois, jusqu’au malaise. Un film qui marque, et peut-être l’Ours d’or (ou bien le Prix de la mise en scène).
Nous avons également adoré le film norvégien Kraftidioten, (In order in disappearance) de Hans Peter Moland. La Berlinale a la réputation de privilégier les films sombres, sociétaux. Souvent très beaux, mais déprimants. Avec ce In order of disappearance, nous avons hurlé de rire, d’un bout à l’autre, et cela fait un bien fou ! Ludique, intelligent, plein de références aux films de gangsters, In order of disappearance possède la folie et le charme des Tarantino des débuts. Un Ours d’argent ? ou bien le Prix du scénario ?
Pour le Prix d’interprétation féminine, Lea van Acken pour Kreuzweg est bien placée. Les beaux rôles de femme ne sont pas très nombreux dans cette sélection : nous avons également apprécié le jeu de la belle Henriette Confurius dans Die geliebten Schwestern, mais le film est très faible. Peut-être le Prix reviendra-t-il à l’une des actrices de The Little House de la Japonaise Yoji Yamada, que nous n’avons pas vu. En tout cas, s’il était attribué à Jennifer Connelly ou Mélanie Laurent pour Aloft, nous serions bien perplexes.
Du côté masculin, l’homme du festival est bel et bien le magnétique et chic Stellan Skarsgard, qui tient les rôles principaux de In order of disappearance et du très beau Nymphomaniac. Hors compétition, Nymphomaniac vol. 1 non censuré est vraiment notre choc berlinois. Mais dans In order of disappearance, notre cœur a fondu pour le stupéfiant Pal Sverre Hagen. L’œil fou, la demi-queue de cheval conquérante, l’acteur déploie des talents comiques irrésistibles en parrain vulgaro-séduisant. Quitte à primer un homme un vrai, le regard lourd du patriarche macho argentin joué par Daniel Veronese a également retenu notre attention. Mais nous nous égarons… Plus sérieusement, le jeune Florian Stetter qui incarne Schiller dans Die geliebten Schwestern ou l’acteur grec du beau Stratos de Yannis Economides ont de réelles chances.
Et ce Stratos, justement ? Curieux film grec, bien long, sur un tueur à gages se liant à une petite fille. La première heure semble interminable, et puis, sur la fin, le film irradie littéralement. Un film qui se mérite, et qui exige un temps de réflexion. Sans doute un Prix, et peut-être ce singulier Prix de l’innovation qui avait distingué le Tabou du portugais Gomes.
Un Prix du Jury pourrait être décerné à Alain Resnais, qui nous offre avec Aimer, boire et chanter une comédie pleine de vie et de joie sur la mort qui approche.
Nous connaîtrons l’Ours samedi : la cérémonie débute à 21h !