Danse
Sciarroni et Cunningham, chutes et tours au Festival d’Automne

Sciarroni et Cunningham, chutes et tours au Festival d’Automne

19 December 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le Festival d’Automne propose un exigeant programme autour du merveilleux ballet de Lyon et de deux immenses chorégraphes, le feu Merce Cunningham et l’italien Alessandro Sciarroni. Deux visions obsessionnelles de la répétition à voir au Centquatre, avec le soutien du Programme New Settings de la Fondation d’Entreprise Hermès, jusqu’au 21.

Commençons comme le veut la coutume par saluer le public, présent hier, qui a le plus souvent marché pour atteindre le 5 rue Curial, qu’aucun transport ne dessert pendant la grève.

Continuons en pointant l’espièglerie de ceux qui ont rédigé le programme de la soirée qui annonce d’abord Alessandro puis Merce. Alors quand commence la première pièce on doute. Ces tenues noires et ces baskets blanches,  ça ne ressemble pas du tout à l’univers du chorégraphe de Folk’s à l’identité pop. Un renouvellement ? Pas du tout, juste une inversion ! Mais tout de même, là où  c’est plus surprenant c’est que ce qui déroule devant nos yeux ne ressemble pas non plus à ce que l’on connaît de Cunningham, en tout cas au premier regard. La pièce est une inconnue, elle se nomme Winterbranch et elle date de 1964. Les lumières, le décor et les costumes sont de Robert Rauschenberg. La lumière a été repensée par Beverly Emmons et la pièce transmise par Jennifer Goggans et Cherryl Therrien.

Un son à deux temps crisse. Première scène. Lumière glauque, extérieur nuit. Un corps traverse le plateau,  contraint par une couverture qui l’enroule, comme un ver de terre. Puis, six danseurs du ballet de Lyon vont avancer en duo ou en trio dans un exercice de lâcher-prise complètement fou dans son écriture, où  les chutes et les ralentissements sont à la fête. On reconnait Cunningham dans deux de ses axes, la dissonance entre le geste et le rythme et les traversées. Les secondes, les jetés et les académiques sont absents ici, ce qui génère un trouble assez délicieux. La pièce est sombre et les danseurs exceptionnels dans ce combat avec la gravité.

Alessandro Sciarroni, à qui le Festival d’Automne consacrait un portait en 2014 en trois spectacles, Folk’s, Joseph Kids et Untitled n’a cessé d’imposé sa danse du motif depuis. L’année dernière, c’était le rire avec Augusto.

De Cunnigham il a le goût  pour la répétition. Sa présence dans ce double programme est donc très cohérente. C’est évident, Alessandro Sciarroni est devenu, depuis la révélation, aux Rencontres Chorégraphiques de Seine-Saint-Denis en 2013, avec son Folk’s jusqu’à l’épuisement, un chorégraphe iconoclaste qui compte parmi les plus grands. Il convoque toujours la même recette : un geste, jusqu’au bout, un seul. Alors, en 2017, il tournait  déjà en rond pour CHROMA_Don’t Be Frightened of Turning the Page.

C’est donc TURNING_motion sickness version, toujours avec le Ballet de Lyon, qui succède, après un court entracte,  à Winterbranch. Le décor est comme souvent, totalement blanc, comme un cirque. Onze danseurs habillés hipster nous regardent. Il vont se mettre à marcher en rond l’un après l’autre.

Le plateau est réduit. Ne pas se cogner est un art que ces danseurs classiques maîtrisent.  De la marche circulaire vient le rond resserré, sur soi-même. Ils tournent. Ils tournent à fond et la musique arrive, Yes soeur a composé la bande son techno. Tout le travail vient dire que tout pas de danse part de la marche. Il y a là la question d’être seul dans le groupe. Comme dans la pièce précédente, le lâcher-prise est obligatoire ici pour s’autoriser à rester dans la répétition d’un geste qui sera à peine modifié, juste à quelques instants pour dire justement que être en relation avec l’autre n’a pas été mis de côté.

Cette performance courte, 40 minutes, a été pensée comme un hommage aux migrants et elle est faite pour être dansée n’importe où avec des interprètes différents. Avec le ballet,  l’aspect formel prend le dessus, et l’épuisement des spectacles précédents ne nous parvient pas.

A voir c’est évidement une jubilation, même si, avouons-le, cette version n’atteint pas la transcendance du travail de Sciarroni quand il dirige ses propres danseurs. Nous restons un peu spectateurs ici alors que le chorégraphe sait d’habitude, sans nous bouger de notre siège, nous embarquer sur scène.

Visuel : Alessandro Sciarroni, “TURNING _ motion sickness” © Michel Cavalca
 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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