Danse
Christos Papadopoulos et Alessandro Sciarroni ouvrent le festival Artdanthé

Christos Papadopoulos et Alessandro Sciarroni ouvrent le festival Artdanthé

02 March 2020 | PAR Zoé David Rigot

Pour sa 22e édition, le festival Artdanthé ouvrait ce samedi avec une soirée très poétique et profonde : Opus de Christos Papadopoulos était suivi par Save the last dance for me, d’Alessandro Sciarroni !

Le petit Théâtre de Vanves était plein à craquer, l’atmosphère des plus joviales et frémissante d’impatience. Christos Papadopoulos, dont la danse sans amortisseur avait fait trembler le Théâtre de la Ville, inaugurait la soirée avec son spectacle Opus.

OPUS

Tous et toutes bien installé·e·s dans nos fauteuils, la salle s’éteint. Silence. La lumière se rallume sur une scène de lino blanc, au-dessus duquel est suspendue une ampoule, comme un point de contact. Au sol, une danseuse habillée de noir – très classe : un pantalon de coupe carotte aux poches passepoilées, des richelieux aux pieds, une chemise noire, un chignon. Un violon retentit, et la danseuse, avec précision, suit toutes les notes et mouvements de ses gestes. Lorsque le son s’arrête, elle s’immobilise, et la suspension entraîne tous les spectateurs – jusqu’à ce que le violon se remette à jouer. Une, deux, trois danseuses également vêtues se joignent à elle, accompagnées du son d’un instrument qu’elles suivent respectivement, mais duquel elles se détachent le temps d’une chorégraphie accordée. Chaque geste est dépendant de la note, et chaque note semble dépendant du geste. La chorégraphie, très stricte et complexe, danse la musique, l’accompagne, et lui donne vie. C’est comme si les danseuses devenaient le son lui-même, comme si elles l’incarnait. C’est troublant et extrêmement captivant. Ni les musiciens, ni leurs instruments ne sont sur scène – on entend seulement l’intense musique, le souffle des musiciens, le claquement des cordes, le cliquetis des vents. Parfois, un instrument se présente seul, amenant une danseuse à explorer sa présence charnelle en solo – puis l’autre la rejoint avec le son d’une clarinette, enfin tous les instruments s’accordent, puis se dissocient, et petit à petit, ils développent un Opus, un morceau uni, où chacun d’eux et chacune d’elles aura sa place. La logique n’est pas formelle, puisque la chorégraphie joue et complète la musique : c’est une pièce entière, autonome, elle existe aux côtés et avec les sons pour en révéler leur texture et leur tessiture. La musique devient organique, elle se déploie dans la danse, alors que celle-ci étend et creuse la musique dans toute son ampleur.

Opus est une chorégraphie d’une pièce jouée permettant une méditation unique et ronde, profonde, portée par la performance de ces quatre danseuses qui jonglent entre la souplesse et un rythme plein de rigueur. Un spectacle à voir absolument !

À la fin de ces 50 minutes de spectacle – qui ne semble avoir duré que 25 minutes – le public se dirige vers la mairie de Vanves, où aura lieu la deuxième partie de la soirée, Save the last dance for me, d’Alessandro Sciarroni. Pour cette première française, on monte au premier étage de la mairie, dont la grande salle est décorée de peintures murales, de lustres de verres, et dont le sol est un plancher de bois vernis.

SAVE THE LAST DANCE FOR ME

Assis en ronde autour de deux losanges dessinés sur le sol l’un dans l’autre, le public attend quelques minutes avant d’entendre les premières basses d’une musique minimale s’emparer de l’espace. Deux jeunes hommes entrent, la main dans la main. Se plaçant à l’une des extrémités du grand losange, ils entreprennent une sorte de valse, aux pas très précis et rapides. Mais non, ce n’est pas une valse ! En fait, le chorégraphe italien Alessandro Sciarroni a suivi les traces de la Polka Chinata, danse bolognaise de séduction interprétée uniquement par des hommes, en duo. Les danseurs s’étreignent, se tiennent les bras, les hanches ou le dos afin de se supporter l’un l’autre dans le tournoiement vif et soutenu de la danse. Ils tournent, jettent leurs jambes en avant, tournent encore. Un des deux danseurs fait un pas en arrière afin que l’autre, comme une toupie, tourne sur lui même plusieurs fois, puis ils se rattrapent et reprennent les pas de danse, ensemble, main dans la main – ils font cela à maintes reprises, chacun leur tour, dans un rythme de plus en plus effréné. Après plusieurs tours, ils se regardent, reprennent leur souffle. Ils marchent lentement vers l’une des extrémités du losanges, soufflent ensemble et recommencent. La complicité et la tendresse qu’ils émanent rendent la danse gracieuse et magnifique, ils virevoltent et semblent tout concentrer dans cette intimité dansante, cortex du mouvement de la Polka. Alessandro Sciarroni tend à faire revivre la tradition de cette danse traditionnelle et populaire – la musique techno qui l’accompagne vise donc à la rendre contemporaine, à la propulser en avant. En effet, pourquoi ne pas danser une valse, ou bien une Polka Chinata, lors du prochain festival cet été ? Et même, samedi prochain au bal ou au club ? Les deux danseurs, après avoir mené une performance de haute tension pendant 20 minutes, se retirent sous les applaudissements… après quelques saluts, ils reviennent sur un son d’accordéon ! En frappant des mains, dans un rythme jovial, l’audience les accompagne jusqu’à la fin de la soirée.

 

ARTDANTHÉ

Rassemblant artistes renommés et jeunes talents, le festival de danse Artdanthé présente une 22e édition ouverte à tous les publics et haute en couleurs. Il continue jusqu’au 21 mars, avec de très beaux ateliers, des expositions et de très belles soirées en première française ou en fin de création avec des spectacles tels que le solo Danse avec le Yak de Clément Aubert, Hitchhiking through Winterland de Cosima Grand, SonoR d’Aloun Marchal, Duchesses de Marie-Caroline Hominal et François Chaignaud, ou encore Transmotion de Dario Tortorelli…

Il faut penser à réserver, car les places partent vite.

Tout le programme est ici !

 

 

Visuel : Save the last dance for me © Claudia Borgia, Chiara Bruschini.

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