Danse
La diversité de la danse se concentre aux Journées de Danse Contemporaine Suisse.

La diversité de la danse se concentre aux Journées de Danse Contemporaine Suisse.

02 February 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Jusqu’au 4 février Les Journées de Danse Contemporaine Suisse sont, après Zurich en 2015, à Genève. Cette manifestation à destination des professionnels est une biennale qui change à chaque fois de ville. Elle témoigne du vivier bouillonnant que constitue la Suisse pour la danse. En ouverture, trois façons, trois définitions même de ce que danser veut dire : La Ribot, Cindy Van Acker et Gregory Stauffer.

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Les JDCS ne sont pas un festival, il s’agit d’un salon, ou plutôt d’une « manifestation » comme Claude Ratzé directeur de l’association pour la danse contemporaine et coordinateur dans le cadre des Journées de la Danse Contemporaine Suisse, nous le confie : « pour réussir à mener à bien cette importante aventure : 19 productions différentes présentées en quatre jours, 512 heures de programmation chorégraphiques, il fallait évidemment travailler avec beaucoup de partenaires et de collègues, il y a 17 théâtres qui se sont associés » . 325 professionnels se rassemblent ici venus d’une trentaine de pays. Lors du cocktail d’ouverture, au Bounce, centre névralgique des journées, on pouvait entendre l’italien, l’arabe, l’espagnol, l’anglais, le suisse-allemand, le français… Ici, se retrouve toute la communauté chorégraphique : programmateurs, journalistes, chorégraphes, dramaturges, danseurs. L’idée est de faire réseau. Reso, c’est d’ailleurs le nom de l’association qui co-organise ces journées, soutenue par Pro-Helvetia, Fondation Suisse pour la culture qui permet également la venue de la sélection suisse à Avignon.

Ainsi depuis octobre 2015, le jury composé de La Ribot, Mona De Weerdt, Joëlle Smadja, Patrick Müller et Claude Ratzé sillonnent le pays, canton par canton pour extraire le meilleur de la création. Mais les journées sont aussi l’occasion de se questionner encore sur l’évolution du geste comme en témoigne le récent livre coécrit par Anne Davier et Annie Suquet, La danse contemporaine en Suisse, 1960-2010, les débuts d’une histoire, aux éditions zoé.

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La Ribot, Cindy Van Acker et Gregory Stauffer étaient programmés ce mercredi 1er février en ouverture des Journées. La Ribot nous invite dans son projet qu’elle développe depuis 23 ans, les Pièces distinguées. Pour Another Distinguée on retrouve la plus espagnole des chorégraphes helvètes moins revendicative. Celle qui manifestait sur le plateau du Centre Pompidou ( PARAdistinguidas), soit en l’envahissant, soit en vidant la scène, pour n’en laisser que d’irritants messages numériques (El triunfo de La Libertad) nous entraîne pour la cinquantième série des Pièces Distinguées dans un espace sombre où un immense amas de plastique noir trône. Il s’agit comme à chaque fois de pièces distinctes donc, dont la durée peut aller de 30 secondes à 7 minutes. Ici, il y un fil conducteur qui nous fait passer du noir et blanc à la couleur. N’y voyez pas un signe de bonheur car ce monde là ne va pas. Costumes que l’on déchire, relations amoureuses aléatoires et manipulation des foules. Elle ose tout dans ce trio où elle est accompagnée de Juan Loriente et Thami Manekehla et nous fait au sens propre du terme tourner en rond. Comme à chaque fois dans ses spectacles elle nous perturbe et nous saisit. Dans ce pas de deux à trois, tendre et violent, où une danse au rythme de la techno joue les parades animales et dans cette transformation plastique des corps qu’elle recouvre d’un rouge révolutionnaire. La colère n’est jamais loin ici dans ce spectacle aux allures d’installation. A voir du 5 au 9 avril au Centre Pompidou.

jdcs-programme-final-selection-elementen-iii-blazing-wreckChangement de style avec le travail de Cindy Van Acker. Elle présente dans la belle salle du Bâtiment des Forces Motrices Elementen III-Blazing Wreck avec les 22 danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève et disons le tout de suite, c’est lamentable. Pourtant, Cindy Van Acker est normalement une excellente chorégraphe, riche d’une vingtaine de spectacles. On se souvient du pointu et juste Elementen I- Room, vu aux Rencontres Chorégraphiques de Seine-Saint-Denis en 2016. Cette proche de Myriam Gourfink dont elle empreinte les postures du yoga et de Roméo Castellucci est plutôt normalement à ranger du côté de William Forsythe. Elle a la maîtrise des lignes et sait les faire dissoner. Effet de première peut être on aura vu des danseurs ne pas être ensemble et un spectacle explicatif et grandiloquent Musique datée aux accents techno (composée par Mika Vainio), lumières verbeuses et gestes théâtraux sont les trois éléments qui plombent Elementen III. Cette pièce qui est censée, en référence à Euclide, interroger le mouvement, ce qu’elle réussissait parfaitement dans le volet I, est un enchaînement de motifs : la guerre, la domination, la séduction, qui fait penser aux pires volutes de Angelin Preljocaj ou Sidi Larbi Cherkaoui. Elle fait l’erreur d’appuyer le geste, de l’expliquer en associant une musique guerrière, par exemple, à une scène de bataille. Le pire choix est sans doute ce rewind sur une grande pièce de décor comme une barricade géométrique ou les danseurs, glissent en sens inverse. A oublier donc.

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Heureusement, Gregory Stauffer amène folie et réflexion dans Walking. Ce marcheur invétéré se présente à nous prostré, le visage caché par un gilet d’ado en laine polaire, un legging bariolé et une grosse caisse qu’il martèle jusqu’à l’insupportable. Présentée à 23H, la pièce a l’effet d’une bombe complètement étrange et fascinante. Il fait parti de cette génération de chorégraphes ( Bel, Charmatz, Chaignaud, Lebrun…) fasciné par l’histoire de la danse. Ce clown de formation revient à la base : marcher. Car danser sera toujours une marche, mais quelle marche ? Lente, rapide ? Et sur combien d’appuis ? Et dans quelle tenue ? Stauffer se dépouille passant de l’adolescence à l’adulte, et de la foret à la ville, aux podiums même. La présence du mec est dingue, il occupe son espace composé d’un tapis de danse pailleté autour duquel le public est assis, auréolé de la lumière dorée de Antoine Frammery. Drôle, dérangeant, sa justesse permet de faire changer son point de vu en une seconde. Les battements de la grosse caisse sont remplacés par le claquement des pas, ce n’est pas forcement plus doux. A suivre.

Visuels : La Ribot @Anne Maniglier
Cindy Van Acker @Christian Lutz
Gregory Stauffer @Chloé Tun Tun

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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