Danse
Cindy Van Acker et Marcos Morau : deux visions chorégraphiées de l’enfermement

Cindy Van Acker et Marcos Morau : deux visions chorégraphiées de l’enfermement

13 May 2016 | PAR Amelie Blaustein Niddam

En mars 2016, Nancy découvre une commande faite par Le Ballet de Lorraine à deux chorégraphes : Cindy Van Acker et Marcos Morau.  Ce programme faisait l’ouverture des Rencontres Chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, précédé par Meyoucycle d’ Eleanor Bauer  et Chris Peck.  Elementen I  – Room et Le surréalisme au service de la Révolution sont deux superbes exemples interprétation d’un même thème. 

[rating=4]

Il y a de l’héritage et des références ici. Au point de glisser dans un name dropping irritant. François Morellet, récemment disparu aurait pu signer le décor. Quand à la chorégraphie elle est l’enfant que William Forsythe aurait pu avoir avec Myriam  Gourfink, le môme étant parrainé par Anne Teresa de Keersmaeker. Traduisons :

Elementen I -Room est une pièce graphique (Forsythe) à la précision mathématique (De Keersmaeker)  qui laisse place à la lenteur (Gourfink)  signée de Cindy Van Acker. Comme à son habitude, la quadra belge ne fait pas dans le léger. Elle qui adore les lignes et la rigueur offre une pièce aussi raide que sublime, hypnotique et fascinante. Tout n’est ici qu’opposition noire et blanche dans une parité parfaite. Huit danseurs ; quatre en blanc, quatre en noir. Huit danseuses, quatre en blanc quatre en noir. On pourrait citer Cage et Cunningham aussi tant le travail sur le son s’inspire de l’icône. Une voix métallique sera bientôt inaudible, se transformant en son, puis plus tard en beat electro. Les danseurs sont ici des robots très seventies. Perruques raides, combinaisons cintrées sans tomber dans l’académique. Le résultat très néoclassique est une alternance de postures qui mixent yoga et défilé de mode. Les plus belles heures de Margiela ne sont pas loin.

Lentement, la circulation sera moins carrée. Les lignes vont se croiser et des pas de deux superbes se mettre en place. Les alignements sont époustouflants, la concentration des interprètes fascinantes. Le corps est ici tendu à l’extrême, dans des prises de risque qui paraissent fluides et évidentes. Elementen I vient dire la société de l’uniformisation dans une violence lente qui captive.

Changement de décor et changement d’influences. Marcos Morau et sa compagnie catalane La Veronal. Une ballerine suspendue à des anneaux délivre un texte rageur qu’aurait pu écrire Angelica Liddell. Un filtre  sépare la créature du reste du plateau, qui dans une brume castellucienne sera  bientôt envahi de ballerines à tutus ou en collant pour les garçons. Les images sont extrêmement picturales. La Veronal avait fait l’ouverture de de la 18ème Biennale de danse du Val-de-Marne avec un spectacle inspiré d’un tableau de Picasso, Los pajaros muertos. Ici, nous sommes plutôt dans un couvent où les cafards grouillent au sol. Le ballet est ici  à l’unisson dans une écoute totale. La danse est délicieusement morbide. On se lasse néanmoins rapidement, Marcos Moreau accumulant les images fortes qui se dégonflent rapidement comme cet orchestre de tambours du Klux Klux Klan qui irrite à peine alors que cela devrait nous subjuguer d’horreur. La succession des images peine à être reliées ce qui n’enlève rien à leur force graphique.

Les deux spectacles mettent en avant la qualité du ballet de Lorraine dirigé par Petter Jacobsson qui n’a de cesse de faire entrer de plus en plus de danse contemporaine au répertoire. Ici les propositions chorégraphiques sont très différentes, l’une est abstraite, l’autre figurative. Et les corps savent ici tout faire ; nous entraîner dans l’introspection comme nous saisir par des images folles.

Les deux spectacles mettent en avant la qualité du ballet de Lorraine dirigé par Petter Jacobsson qui n’a de cesse de faire entrer de plus en plus de danse contemporaine au répertoire. Ici les propositions chorégraphiques sont très différente, l’une est abstraite, l’autre figurative. Et les corps savent ici tout faire ; nous entraîner dans l’introspection comme nous saisir par des images folles.

Les Rencontres Chorégraphiques de Seine-Saint-Denis continuent jusqu’au 18 juin. Le prochain rendez-vous aura lieu au CND avec João dos Santos Martins et Cyriaque Villemaux.

Visuels :

CCN – Ballet de Lorraine, Cindy Van Acker, “ELEMENTEN I – Room” (c) Arno Paul
CCN – Ballet de Lorraine, Marcos Morau “Le Surrealisme au Service de la Révolution” © Arno Paul

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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