Pop / Rock
[Live report] Glass Animals, Chet Faker et The Shoes au Festival des Inrocks

[Live report] Glass Animals, Chet Faker et The Shoes au Festival des Inrocks

14 November 2014 | PAR Bastien Stisi

Après Lykke Li mardi, et le duo Moodoïd / Damon Albarn mercredi, le festival des Inrocks délaissait hier soir le Casino de Paris afin de prendre ses quartiers sur le boulevard de Rochechouart (pour quatre jours). Certains auront ainsi vu Vaults, Bipolar Sunshine et Rosie Lowe à la Boule Noire. Le plus grand nombre, lui, aura plutôt rejoint l’établissement voisin de La Cigale (sold out), au sein duquel se produisait le line-up le plus pop de cette semaine de festival…

Seinaboy Sey, Glass Animals : statisme et mouvement

Et cette pop-là épouse d’abord les traits de la soul, et ceux de la personne de Seinabo Sey, seconde artiste marquée « pop suédoise » de cette édition 2014 (après Lykke Li) mais qui se distingue quasiment en tout de ce que l’on pourrait envisager à l’énoncé de ce qualificatif mille fois utilisé. Cela vient peut-être de son métissage culturel (ça ne s’invente pas : Seinabo Sey est suédo-gambienne), et peut-être davantage de sa volonté de ne pas passer pour un ultime pastiche du genre, elle qui édicte une pop soul parfois proche d’un R&Blues groovy (« Change Your Mind »), d’un disco d’église (« Younger »), d’un héroïsme porté par une voix puissante et par un jeu de batterie salvateur (le gros tube « Hard Time ») qui la rapproche plus d’Amy Winehouse que des Knife. Dans le son du moins. Car scéniquement, Seinabo Sey se montre statique, les mains jointes, entourée par deux musiciens et une musicienne qui ne bougent pas davantage. C’est qu’on la sent un peu tendue (c’est sa première date parisienne), et cette anxiété l’empêche sans doute d’exprimer tout le potentiel qu’on lui devine.

Et c’est amusant. Car l’on passe de l’immobilité quasi introvertie de l’une à l’hyperactivité ostentatoire de l’autre, en même temps que l’on pénètre dans le monde herbé, tropical et psychédélique des Glass Animals (une séquence imitant les bruits de la jungle introduit justement le concert) et de leur intenable chanteur Dave Baylez. Si Zaba, le premier album addictif de ces drôles de bestioles-là, doit plutôt s’écouter sous l’emprise de doux hallucinogènes, leur chanteur donne ainsi plutôt l’impression d’être sous celle de la coke, lui qui gesticule et se tord comme s’il devait devoir imiter les contorsionnistes qui illustrent le clip de leur tube « Hazey », manifestation scénique d’une pop parfois aqueuse, parfois voltigeuse, toujours pleine d’arabesques et de sombres tendresses. Et s’il y a toutefois de la lumière qui s’échappe, c’est celle de cette clairière dans laquelle l’on pénètre après des heures passées au sein des verdures aléatoires et des percussions tribales (« Black Mambo », « Flip », « Gooey »…)

Chet Faker : flegme et savoir-faire

Le concert de ces cousins de Bombay Bicycle Club, d’Alt-J et d’Animal Collective, dont on peine à croire qu’ils viennent vraiment d’Oxford, s’achève avec l’interprétation magistrale et accélérée du beau tube « Pools », qui fera intervenir un soleil tropical et paradisiaque dans le ciel transcendé de La Cigale parisienne. Voici la première très grosse ovation de la soirée. Une dizaine d’autres suivront. Et elles seront toutes réservées à l’Australien Chet Faker, qui verra l’intégralité de ses morceaux interprétés hier soir salués par une foule conquise d’avance et qui le demeurera au terme d’un concert qui confirmera la formidable réputation scénique que l’auteur du somptueux Built On Glass traîne derrière son look de dandy du siècle XXI (chemise blanche boutonnée jusqu’au cou, barbe bien taillée, cheveux attachés), ou de Barry Lyndon de la rue de la Roquette (ou en tout cas de son équivalent de Sydney).

Alors, la tête porteuse de Future Classic enchaîne les tubes d’électro pop soul à la chaîne (« Gold », « Love and Feeling », « 1998 »…), invite le public sur « No Diggity » et sur « Drop The Game » à se perdre avec bonheur dans la répétition de ces onomatopées créatrices de communions pop (franchement, pourquoi s’emmerder à écrire des paroles ?), et livre un show absolument parfait. Ovation au début du set, ovation à la fin.

Et puis, on invite Flavien Berger à venir faire le punk sur scène, lui dont la spécificité paraît véritablement résider dans cette manière de se montrer tellement cérébral en studio et (faussement) décérébré en live (on l’avait déjà vu il y a une dizaine de jours au sommet de son art au Batofar…) Les boucles défilent puis s’interrompent, le poulain de Pan European Recording dit des choses qui ne sont toujours pas les paroles des morceaux de son EP Mars Balnéaire, le public patiente pendant que l’on prépare en coulisses l’attirail qui doit servir le nouveau live des Shoes, venus clôturer cette troisième journée de festival en livrant quelques extraits de leur second album à venir. Beaucoup sont venus pour eux.

The Shoes : direct au placard

L’attente est grande, mais pas autant que la déception qui s’ensuit. Car si ces pompes-là ont déjà démontré qu’elle pouvaient être celles de sept lieues (le duo a tourné et produit dans le monde entier) et qu’elles avaient su, hier, avec leur album Crack My Bones, être celles qui savent coller les pieds au sol (on le ressentira encore sur l’hyper pop « Time To Dance », qui fera vaciller les murs), le second album de Guillaume Brière et de Benjamin Lebeau s’annonce, si l’on se base sur ce que l’on a entendu hier soir, comme un véritable saccage du premier.

Accompagnés sur scène par un jeu de lumière épuisant (le show Vitalic VTLR en version pop, ça donne du Skrillex…) et par deux tambourineurs en charge de singer les ambiances woodkidiennes (on sent qu’ils ont bossé avec…), les deux Rémois proposent donc un show qui mélange les compositions de leur premier album (« Stay The Same », « Wastin’ Time »), et d’un deuxième, vidé ici de toutes les nuances et des sensibilités de son prédécesseur pour se contenter d’un racolage vulgos et technoïde pour adolescents (très) attardés. Le duo et son armée inconséquente, comble de l’angoisse, se comportent comme s’ils étaient en train de réinventer la pop, mais ne produisent en réalité qu’une rave de Daily Monop’ : tous ces artifices, par rapport à ce que le son contient vraiment, s’avèrent d’une prétention absolument inouïe.

Et puis, après avoir associé à ce massacre d’électro pop XXL la voix d’Esser et le clavier de SAGE (ex Revolver), on culmine au sommet du mauvais goût avec l’arrivée de Thomas Azier sur scène, que l’on exploite ici afin de se faire le chialeur vocal d’un morceau encore plus pompeux que son album à lui (fallait le faire), dont les couplets synthpop miaulés sont accompagnés par des refrains dubstep boursouflés. C’est affreux. On ne reconnaît plus les Shoes.

Et comme toutes ces pompes que l’on hésite désormais à porter au pied, on les range au placard (mais alors bien au fond hein), et on se rassure un peu en jetant un œil à la programmation de ce soir, même lieu et même heure, qui assurera le défilé d’un line up garage et explosif composé des Orwells, de Parquet Courts et de Palma Violets.

Le reste de la programmation de cette édition 2014 du Festival des Inrocks, c’est par ici.

Visuels : (c) Robert Gil

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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