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[Chronique] « Leipzig » d’OrKa : nomade et schizo

[Chronique] « Leipzig » d’OrKa : nomade et schizo

16 April 2015 | PAR Bastien Stisi

Tendance du siècle présent ou coïncidence totale, nombreux sont les albums que l’on a célébré cette année qui ont été enregistrés dans des lieux pas forcément prévus à la base pour accueillir un studio d’enregistrement musical. Après Viet Cong, qui a enregistré son premier album éponyme à l’intérieur d’une ferme terreuse d’Oregon, et après Molécule, parti mettre sur pied, en plein hiver et durant cinq semaines, un album inédit au cœur des mers de l’Atlantique Nord, voici les Féroïens d’OrKa (qui viennent donc de la petite province autonome des Îles Féroé, rattachée au Danemark), dont le quatrième album Leipzig a été enregistré au cours d’un vagabondage pareillement inédit.

[rating=4]

Dans une petite église hollandaise de la ville de Sibrandahûs. Dans la cave d’un bateau hongkongais. Dans une gare de Bombay, en Inde. Dans leur studio londonien. Au cours de leurs dates à Paris et à New York. Dans la ville d’ex Allemagne de l’Est de Leipzig, et plus spécialement dans un petit cinéma d’avant-guerre muté. La liste des terrains de captations sonores qui ont constitué ce quatrième album, aussi fournie qu’une liste résumant les dernières planques dans lesquelles auraient séjourné récemment l’espion à la mémoire défectueuse Jason Bourne, impressionnent par leur nombre, par leur diversité et par leur nature. C’est que les membres d’OrKa devaient être bien à l’étroit dans leur île native perdue entre les larges étendues glaciaires du Groenland et l’extrême nord des cotes écossaises, ou plutôt qu’ils avaient l’ambition de faire voyager, parce qu’ils le faisaient avec les pieds, l’esprit de l’auditeur qui se retrouverait confronté à cet objet rare et parfaitement abouti.

Et le nomadisme de ces lieux de compositions, l’affaire fonctionne, se ressent largement dans le son, qui oscille et qui tangue constamment entre  grosses angoisses ombrageuses (« Leipzig I A – Open Skylines », « Sibrandahûs I – My People Is Kept In A Zoo ») clairières lumineuses (« Leipzig XV – Strandadreingir », « Leipzig IX – Grand Prix ») et explosions soniques plus pop (« Leipzig III – We Have Fallen Into Each Other », « Black Ice Age », « Leipzig VII – Sing »).

On pense au chemin qu’avait mené le Londonien East India Youth avec son premier album Total Strife Forever, sorti l’an passé. On pense aussi bien sûr, parce que les plages sont progressives et ne se refusent pas quelques escapades mélodiques, aux promenades les plus noires de Sigur Rós, qui aurait voyagé, télépathe pertinent, entre les cerveaux voisins de Samaris, d’Apparat, de Mondkopf ou de S A Y C E T.

43 minutes d’égarement pour autant d’écarts. Le temps d’énumérer dans le crâne ces artistes émanant du royaume du Danemark (puisque les Féroé y sont rattachés, rattachons aussi OrKa), qui prouve encorent une fois, après les récentes sorties de The Raveonettes, d’Iceage, de First Hate, de Giana Factory, de Trentemøller, de Mø, de Reptile Youth, l’étonnant et formidable vitalité de sa scène indie locale.

En concert au Point Éphémère le 18 avril.

OrKa, Leipzig, TUTL, 2015, 43 min.

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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