“The Father”,un road movie intense de Kristina Grozeva et Petar Valchanov
Le Festival d’Arras 2019 a couronné le film des bulgares Kristina Grozeva et Petar Valchanov The Father qui avait déjà remporté le globe de cristal de Karlovy Vary. Un huis clos entre un père et son fils qui fonctionne comme un road movie où bien des éclats de vie et passé se révèlent.
La première scène est un enterrement. La mère est morte, la mère n’est plus, elle est raide et maquillée dans son cercueil. Le fils prodigue (Ivan Barnev) est remonté de Sofia vers la campagne pour l’enterrement. Le père (Ivan Savov) lui arrache littéralement son appareil photo et interrompt la cérémonie pour immortaliser le visage de la disparue dans un acte blasphématoire et violence. Déjà tout est dit : la tyrannie du père, les difficultés du fils, l’image figée du passé que représente la mère. Très vite, l’on comprend que le fils est photographe, qu’il n’a pas dit à sa femme laissée à Sofia qu’il était allée enterrer sa maman et qu’il n’a qu’une hâte : quitter un père qui le maltraite pour retourner à sa “vraie” vie. Sauf que ce dernier est rongé par le dernier message de sa femme qu’il n’a pas reçu à temps : “J’ai quelque chose d’important à te dire”. C’est aussi la phrase qu’elle disait dans son plus grand rôle d’actrice, quarante ans auparavant, en uniforme soviétique… Le reste est une magnifique fuite en avant, concentrée en deux jours où la vie, la mort, le passé communiste et l’occulte cavalent comme de vieilles carrioles de paysans tandis que le père et le fils jouent à cache-cache… Comment la vie va-t-elle reprendre après la mort de la mère?
Après The Lesson (lire notre article) et Glory, sorti en France en 2017 (lire notre article), le troisième film de Kristina Grozeva et Petar Valchanov sait brouiller les pistes entre le drame, la comédie d’humour noir et le thriller. Le suspense tient sur une phrase très cinématographique “J’ai quelque chose d’important à te dire”, tandis que le rythme et le cadre resserrés du film nous plongent dans un huis clos très humain et très universels entre un père et son fils. Très bien écrit, magistralement joué, parsemé de détails gourmands (la fameuse confiture de coings au géranium) et de scènes cocasses absolument séduisantes (une déposition absurde au commissariat…), The Father est un film maîtrisé et qui émeut. Que l’histoire entre dans le film par le prisme du cinéma, sur un trait d’ironie sublime apporte encore une dimension à ce duo familial face au deuil pour finir de nous convaincre que travail des cinéastes est bluffant de précision. A voir nous l’espérons, très prochainement sur les écrans français.
The father, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov, avec Ivan Barnev et Ivan Savov, Bulgarie/Grèce, 2019, 1h30.
visuel : photo officielle (c) Wide