Cinema
Arras Film Festival, Jour 2 : problèmes et paroles à maîtriser. Et une école slovène pour nous aider

Arras Film Festival, Jour 2 : problèmes et paroles à maîtriser. Et une école slovène pour nous aider

15 November 2014 | PAR Geoffrey Nabavian

Non, ce n’est pas l’humour qui nous sauvera et nous aidera à grandir. C’est un professeur d’allemand slovène qui le pense. Stephen Frears, lui, ne serait pas d’accord. Les luttes et ambivalences continuent, à Arras. On vous rappelle que toutes les projections sont ouvertes au public…

Levé de bonne heure, on a de nouveau été confronté à un monde gris, avec notre troisième film de la compétition. L’histoire de Nadia, institutrice aux dettes éternelles dans une Bulgarie à la dérive. Avec, en prime, un mari bon pour la casse, un père en couple avec une jeunesse écervelée… Cette fois, pas de style subtil et stimulant. Et pas d’enrobage divertissant non plus. Les réalisateurs bulgares Petar Valchanov et Kristina Grozeva ont voulu capter cette histoire, peu originale, à vif. Erreur : l’interprète, Margita Gosheva, a beau faire ce qu’elle peut, on se désintéresse vite de son parcours, le long duquel les problèmes s’accumulent avec une insistance qui finit par fatiguer. D’autant plus que la durée est excessive. Nadia voudrait enseigner à ses élèves que, dans un pays où tout le monde vole, les petits doivent partager. Mais cette Lesson (titre du film) prodiguée par les cinéastes, ne parle pas. On n’a pas mordu.

L’après-midi a été consacré à Stephen Frears… en son absence, hélas, pour cause d’hospitalisation. Le critique Michel Ciment a devisé avec Eithne O’Neill, auteur d’un ouvrage sur le réalisateur britannique (Ed. Rivages), et Lola Frears, fille du cinéaste. Beaucoup de scènes de tête-à-tête ont été montrées. De la conversation tendue entre Daniel Day-Lewis et Gordon Warnecke dans une laverie de l’ère Thatcher (My beautiful laundrette) à l’échange Michelle PfeifferJohn Malkovich des Liaisons dangereuses. Jusqu’au magnifique tête-à-tête de The Queen, entre Helen Mirren et une gamine qui tient des fleurs. A Michel Ciment de nous prodiguer les détails de l’art du mélange des genres chez Frears, de ses influences, et des indices qu’il sème (on revoit notamment les costumes des Arnaqueurs, étonnants). A Eithne O’Neill de nous expliquer les structures : musique, risque, et érotisme se mêlent superbement dans les scènes tournées par Frears. Et Lola de rappeler que ce qui intéresse son père est d’étudier des genres cinématographiques ou des périodes de l’histoire en profondeur. Cette raison expliquant qu’il ne se soit pas cantonné aux productions hollywoodiennes. Un hommage à un absent, donc, qui a su néanmoins prodiguer des leçons et des petites anecdotes : saviez-vous que les classiques My beautiful laundrette et The Queen avaient été tournés pour la télé ?

La bonne surprise de la journée est venue de Slovénie. L’Ennemi de la classe, de Rok Bicek, présenté dans la section Découvertes Européennes, est aride. Subtilement aride. Son ambition est de recueillir et de laisser grandir les paroles. Le cadre ? un lycée slovène. D’un côté, un prof d’allemand dur et insistant, voulant faire émerger les personnalités d’adulte de ses èleves. De l’autre, une classe où chacun a son mot à dire, qui essaye de s’organiser. Entre eux, un drame terrible. Qui a raison ? Personne. C’est ça qui est bon, dans ce film jamais attendu, sublimement interprété. Pour lire notre critique de L’Ennemi de la classe, cliquez.

Pour finir, comme hier, on voulait rire. Las, le film Pause, de Mathieu Urfer, en compétition pour le Grand Prix, ne nous a pas trop déridés. Au début, Sami, guitariste country sans envergure, rencontre Julia à l’issue d’un concert. Chance : il vient de se séparer de sa copine, après quatre ans de vie commune. Elle l’a mis dehors, il a besoin d’un lieu où dormir, il atterrit chez Julia… Coup de foudre. Puis ellipse. “Quatre ans plus tard”. Sami est toujours pareil. Julia, elle, a des projets, de l’entrain. Et logiquement, elle propose… une pause ! Et puis… Et puis voilà. Comme dans beaucoup de ces films légers sur des indécis, Pause ne fait pas beaucoup évoluer sa situation en une heure et demie. A l’image du jeu d’André Wilms, qui, s’il est bon en vieux comparse guitariste alcoolique, ne joue qu’une seule chose tout du long. Vraiment pas inoubliable, donc, ce premier film. Dont on peut préciser qu’il est suisse, même si son ton reste assez quelconque…

On a préféré, pour clôturer cette journée dans la joie, s’en remettre à la bière, et pas au cinéma. Nous imbibant pour mieux garder en tête ce film sec qu’est L’Ennemi de la classe.

Visuels : The lesson © Abraxas Film

Michel Ciment, Lola Frears et Eithne O’Neill © Arras Film Festival / Jovani

L’Ennemi de la classe © Paname Distribution

Pause © Box Productions

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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