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Tel-Aviv se prépare avec effervescence à l’Eurovision

Tel-Aviv se prépare avec effervescence à l’Eurovision

25 April 2019 | PAR Yaël Hirsch

Alors que Tel-Aviv s’apprête pour la troisième fois à accueillir le plus grand concours de musique pop international, du 14 au 18 mai 2019 et que Madonna semble annoncée, la capitale économique et culturelle est en effervescence. Le pays participe depuis 1973 à l’Eurovision, prépare toujours l’événement par un télé-crochet dédié HaKokhav HaBa (Rising star, Channel 2) et l’a remporté quatre fois, notamment l’an dernier avec la chanson emblématique de Netta « Toy ». A quelques semaines de la 64e édition, nous avons suivi l’Europe Israël Press Association pour découvrir la manière dont la ville s’organise pour l’évènement qui doit drainer 150 000 personnes venues du monde entier et aussi rencontrer des artistes de la dynamique scène telavivienne, dont le candidat israélien de cette année : Kobi Marimi. Live-report.

 

Un événement qui se prépare bien en amont

Alors que des fans du monde entier sont attendus à Tel-Aviv, non seulement pour la finale mais aussi pour la demi-finale et les festivités autour de l’Eurovision qui dureront presque une semaine, nous avons la chance de pouvoir visiter le lieu du concours et de sa captation, en plein travaux. Sous un grand soleil, et très badgés, nous avons visité Expo Tel Aviv, centre de convention au nord de la ville, en pleine effervescence pour préparer l’évènement. Le producteur d’origine suédoise, Ola Melzig, nous a emmenés tout casqués voir les travaux de la salle de 7200 sièges où la scène prenait forme avec 12 panneaux vidéos. Le tout sera divisé en deux espaces : une salle principale avec pour modérateurs Erez Tal et Bar Rafaeli et une « green room » pour les VIP et les artistes. La chaîne de télévision israélienne qui diffuse l’événement ; KAN, nous a réunis pour nous parler de leur stratégie digitale, pensée bien amont et de la manière dont le public pourra voter via une application. Et l’un des deux hôtes de la « green room » avec Assi Azar, Lucy Ayoub nous a parlé de son travail de préparation pour un évènement live qui aura lieu pour elle sans prompteur (lire notre interview). Issue d’une famille mixte chrétienne palestinienne et juive ashkénaze, poétesse, slameuse, elle est une figure multiculturelle très emblématique pour l’Eurovision et nous a accordé une interview pour nous parler de la manière dont elle aborde son rôle crucial.

Côté préparation, nous avons également pu rencontrer Anita et une partie des volontaires qu’elle coordonne. Alors qu’une place pour la finale est estimée à 1 700 shkalim (environ 420 euros), une équipe de volontaires multilingues et aux métiers divers (avocats comme danseurs) est mobilisée pour aider le public nombreux à se repérer dans la ville et à passer un moment parfait autour de l’Eurovision. Passionnés, ouverts au monde et très excitées en attente du mois de mai, ils sont de très beaux ambassadeurs de Tel-Aviv.

Enfin, un petit tour dans les bureaux et les studios (avec 70000 cds!) de la radio la plus “indé” du pays, paradoxalement, la radio de l’armée, opérée main dans la main par de jeunes soldats et des civils,  Galgalatz , nous a permis de mesurer comment la chaîne qui peut faire jusqu’à 1 millions d’auditeurs chaque matin, qui cherche les nouveaux talents et qui passe 50 % de musique israélienne, passe elle aussi les titres de l’Eurovision.  Après la victoire de Netta l’an dernier, “Toy” passait chaque heure sur les ondes de Galatz.

Des artistes et un concours qui célèbrent la diversité
Nous avons également pu nous plonger dans les coulisses politiques d’un concours qui prône la diversité par le chant depuis l’année qui précède la création de la CEE (1956). Les enjeux sont grands à l’heure où de nombreux artistes boycottent le pays dans le sillage du BDS, ce qui est le cas par exemple pour le théâtre lors du dernier festival international de Jérusalem (lire notre article). Nécessairement très sensibles à cette question, les organisateurs de l’Eurovision en Israël ont placé les événements à Tel-Aviv et pas Jérusalem, ce qui est évidemment un message politique de paix et d’ouverture. Et la chaîne de télévision KAN a décidé de repousser la diffusion de la mini-série Douze points, qui raconte l’histoire d’un chanteur, homosexuel et d’origine maghrébine, représentant la France dans un concours de chant et qui, au nom de l’organisation islamiste, commet un attentat en Israël. Un profil qui résonne trop fort avec notre Bilal Hassani national, si bien que la série sera montrée après l’Eurovision.

Rencontré au Carlton de Tel-Aviv, Igal Ravid, le présentateur de l’édition 1999 du concours, nous a donné son de cloche sur les enjeux politiques de l’Eurovision pour Israël : A l’heure où le concours est une « ode à la diversité », l’idée de « Boycott est aux antipodes de de la rencontre », qui est l’esprit de l’Eurovision. « Nous sommes une nation très musicale. Alors que la vie est intense, l’Eurovision, pour nous c’est aussi un moyen d’échapper à cette intensité avec une bulle sucrée, où l’on peut être qui on veut sans penser à sa vie quotidienne » Certains lobbys tentent de » convaincre des artistes de ne pas venir à Tel-Aviv pour l’Eurovision. Mais de fait, même si le groupe qui représente l’Islande a essayé d’encourager le boycott tous les pays ont confirmé leur participation, sauf la Bulgarie et l’Ukraine pour de raisons qui ne sont pas politiques ou liées à Israël.

Et de fait, les artistes que nous avons rencontrés sont souvent des symboles vivants et créatifs de la diversité que prône d’Eurovision. Par exemple si l’on prend les candidats israéliens des éditions passées, on voit bien que l’Eurovision est un concours engagé sur la question LGBT, tout comme la ville de Tel-Aviv où la gay pride est l’une des plus reconnues et influentes du monde. Avec la victoire de son hymne « Diva » en 1998 et via l’Eurovision et son infusion dans les foyers de l’Europe entière, Dana International a, à la fin des années 1990, été un symbole fort et un vecteur de respect pour les transgenres. Mais la diversité prônée par l’Eurovision, et notamment à travers les artistes israéliens qui y participent est pleinement multiculturelle.

Voir l’univers de Ester Rada (lire notre article sur l’un de ses concerts ), candidate 2014 d’origine éthiopienne et qui mêle le jazz éthiopien ou bien Izhar Cohen, lauréat de l’édition 1978 avec la chanson A-Ba-Ni-Bi et qui est d’origine Yéménite (Dana International a d’ailleurs aussi des racines yéménites), rappelle la diversité des cultures et des influences du pays.

Impression encore renforcée par la rencontre avec le très international Idan Rachel sont le « Idan Rachel project » est passé par le monde entier, avec un goût de « world » affirmée et un mélange des genres qui va du griot Vieux Farka Touré au contre-ténor allemand Andreas Scholl en passant par Patrick Bruel ou Ornella Vanoni. Le chanteur nous a conviés dans son studio et a joué pour notre délégation de journalistes européens sa musique métissée à l’i-phone ou au clavier rien que pour nous et se prépare à intervenir lors en direct de l’Eurovision.

 

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Enfin, le candidat Israélien de cette année 2019, vainqueur du télé-crochet Rising Star, acteur et crooner né à Ramat Gan, Kobi Marimi, a fini de nous convaincre que l’esprit est bien à l’ouverture, au dialogue et à la construction par l’émotion de la musique. Avec sa chanson « Home », il célèbre aussi sa manière la diversité et promeut l’opportunité d’être soi. Revenant sur les 50 kilos qu’il a perdu dans la douleur pour se sentir accepté en société, ce chanteur aux airs délicieux de Freddy Mercury nous a emportés dans son émotion marquée par des larmes : « Mon message principal est : ‘Regardez-moi j’étais un enfant en surpoids et maintenant je ressemble à ce que la société attend mai cela n’a pas d’importance, car dans ma tête je suis le même enfant ».

Toujours dans le souci de mesurer combien l’Eurovision est un vecteur de respect de la diversité, nous avons voyagé jusqu’à Jérusalem pour nous plonger dans une partie de la société moins connue et plus souvent laissée de côté et rencontrer le groupe de 8 musiciens qui était favori pour représente Israël à cette édition 2019 de l’Eurovision. Constitué de jeunes en situation de handicap (syndrome de Down, mal ou non-voyance) réunis par le programme thérapie musicale du Shalva Center, le Shalva Band est un véritable phénomène en Israël. Notamment leur reprise de « Here comes the sun » des Beatles est un hit absolu dans le pays et a bouleversé tous les spectateurs de Rising Star. Le groupe a dû retirer sa candidature, parce que la répétition générale de la compétition aura lieu un vendredi soir, soir de shabbat que certains d’entre eux sont observants.

Aller à leur rencontre nous a permis de visiter leur foyer, immense bâtiment au cœur des collines de Jérusalem où tout est pensé pour créer de l’inclusion en retour pour les enfants et jeunes en situation de handicap et soutenir les familles de ces jeunes. Avec un budget de 14 millions par an, un espace immense et convivial, et une vie commune étudiée pour chacun se sente bien et à sa place, le Shalva Center mis en place par la famille Samuels est un modèle de centre d’intégration et de thérapie qui attire des familles du monde entier. Qu’un groupe musical en vienne et aille jusqu’à l’extrême limite possible des épreuves pour représenter Israël à l’Eurovision est assez fidèle à l’idéal de célébration de la diversité que représente l’édition 2019 de ce concours de chant pour ses organisateurs.

Rendez-vous pour une finale qui célèbre le talent et la diversité le 18 mai à Tel-Aviv.

visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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