Théâtre
Le Punk sur les planches, une destruction futuriste

Le Punk sur les planches, une destruction futuriste

07 November 2013 | PAR La Rédaction

Le punk et les planches font-ils bon ménage ? Quid des quelques rares tentatives d’emprunter l’esprit destroy et pêle-mêle du punk dans le très institutionnel et bourgeois théâtre français. Certains s’y sont collés avec plus ou moins d’inspiration pour un résultat souvent brouillon et caricatural. Révolution ou désastre, décapage ou ridicule ?

Un Clitandre rock, rap et punk à la Comédie-Française ? C’est à peine croyable mais bien réel ! On doit cette provocation à Muriel Mayette qui en 1996, alors qu’elle n’était pas encore l’administratrice de la maison de Molière, faisait découvrir non pas le vieux Corneille de Suréna mais le jeune et fringant dramaturge de 24 ans qui voulait en découdre avec les vieux sages de l’écriture théâtrale. Dans un décor de métal rouillé où tombaient des cintres des carcasses d’animaux et des squelettes de brontosaure, Eric Ruf râle, hurle, plus que ne déclame, les vers cornéliens, coiffé de piques blondes hirsutes sur la tête et vêtu d’une combinaison rouge vif. Il est accompagné d’Anne Kessler, Jeanne Balibar, Samuel Le Bihan, la jeune troupe de l’époque qui fait se côtoyer l’alexandrin et les Pink Floyd dans un spectacle à l’univers grunge et foutraque.

Plus récemment et cette fois du côté de l’opéra, la cinéaste Coline Serreau mettait en scène une version marginale du très populaire Manon de Massenet à l’Opéra Bastille. La frêle et gentillette jeune fille arrivant en gare d’Amiens tombait sur son cousin Lescaut à l’accoutrement peu convenu de punk motard gothique : crête hérissée, tatouages et maquillages appuyés, vêtement de cuir déchiré, lanières et chaînettes argentées… Le baryton Franck Ferrari conduisait la pauvre Natalie Dessay non pas à l’hôtel Transylvanie mais dans un immense entrepôt désaffecté squatté par une foule de junkies de son acabit. Leur salle de jeu avait pris pour l’occasion des allures de rave party.

Inutile de dire que ces lectures délurées se sont faites massacrer par la critique pour des raisons plus ou moins conservatrices. Les modernistes n’étaient pas en reste car la vraie raison de ces ratages est que si ces spectacles empruntaient une esthétique punk réduite superficiellement à ces stéréotypes les plus flagrants, ils n’étaient pas punk du tout.

Certains metteurs en scène toutes générations confondues montrent que le punk peut trouver sa place sur les scènes. Les happenings et performances spectaculaires du groupe catalan la Fura dels baus, le théâtre de Matthias Langhoff, pour son refus de la matière noble et son apparent désordre cataclysmique, plus récemment celui de Vincent Macaigne, pour sa dérision, autant dire un théâtre de bruit et de fureur, hétéroclite et électrique, volontiers insolent et saccageur, celui-là nous a semblé punk, à tord ou à raison, parce qu’il n’en restitue pas l’esthétique cliché mais bel et bien l’esprit, rebelle et apocalyptique.

Quand Vincent Macaigne fait d’Hamlet un jeune homme désabusé, le traînant dans la boue et le sang ou quand sur les planches françaises, l’espagnole Angelica Liddell ne s’arrête pas d’hurler, nous sommes là en pleine révolution No Future.

Le cri est punk car il vient agir en deux sens, comme en musique, il effraie et fascine, il vient empêcher l’écoute tout en l’imposant. La rupture, la recherche d’images sans bornes vient déborder l’absence de rideau admise depuis 68 en abolissant également les coulisses.

Ce n’est plus le nu qui choque, c’est le souffle de vie effrayant que dégagent des mises en scènes pléthoriques, bouffées par la rage.

Christophe Candoni et Amélie Blaustein Niddam

 Photo de Manon à l’Opéra Bastille. Crédit : Charles Duprat / Opéra national de paris

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