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“Le fossé”, ou la tombe d’un monde qui meurt

“Le fossé”, ou la tombe d’un monde qui meurt

29 April 2023 | PAR Rachel Rudloff

Pour sa nouvelle pièce, Serge Barbuscia, figure du Off d’Avignon, met en scène le premier texte de son fils, Jean-Baptiste Barbuscia, entre absurde, politique et poétique. 

Les rencontres d’êtres imparfaits

Le Fossé raconte avant tout la rencontre d’êtres humains diamétralement opposés dont les intérêts divergent. Dans la lignée de Beckett et des auteurs du XXe siècle, on abandonne l’idée d’une intrigue à proprement parler pour se concentrer sur la contradiction humaine, les dialogues intergénérationnels et les conflits d’une époque. Si Serge Barbuscia met en scène le texte de son fils, ce n’est pas un hasard que ce soit ces thèmes qui ressortent. Le texte et la mise en scène se répondent : le plateau, très sombre, est délimité à l’arrière par un mur qui s’avance et s’ébranle dès lors que le personnage principal énonce ses certitudes à voix haute. 

Ainsi, la réponse à la question de départ -creuser ou pas creuser- importe peu : ce qui compte, ce sont les passions que cette action simple déchaînent. Pour certains creuser, c’est s’enfoncer, se terrer dans nos certitudes confortables, pour d’autres, c’est une nécessité. Se provoquant, échangeant les rôles, se donnant raison ou tort, chaque individu trouve alors une place nouvelle dans cet échiquier, représentation d’une société contrastée et sombre. 

Espace lugubre et sinistre 

Au-delà de la rencontre, des frictions, ce qui ressort du Fossé, c’est son pessimisme : si les interrogations des personnages restent vaines, toute illusion semble abandonnée. En parlant à la fois d’écologie, de lutte sociale, et de féminisme, on sent que ni l’auteur ni le metteur en scène n’y croient. Entourée par un décor noir et gris, modulable à l’infini, mais finalement toujours semblable, chacun des personnages se laisse emporter tant par la colère, la résistance, mais aussi parfois la résilience, le tout sur des compositions électroniques expérimentales, renforçant leur isolement. 

Malgré l’humour, on perçoit le déchirement philosophique, moral qui nous habite tous : ces personnages ubuesques qui creusent leur fossé sont tour à tout Godot, Sisyphe, irrémédiablement condamnés à cette épreuve, pressé par un monde à l’agonie et une nature mourante. 

À retrouver au Théâtre du Balcon, scène d’Avignon au festival Off en juillet 2023 !

Visuel : service de presse

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