Expos
“Modes et clichés” à Quimper : l’aventure textile

“Modes et clichés” à Quimper : l’aventure textile

29 April 2023 | PAR Noemie Wuchsa

Depuis le 1er avril, le Musée départemental breton de Quimper présente “Modes et clichés”, un nouveau parcours d’exposition en extension à sa collection permanente. Mélange de tenues locales, de photographies et d’archives multiformes, une fenêtre s’ouvre sur la portée socio-artistique des différentes populations de cette région de l’Ouest. Avec l’ambition de dépasser le stéréotype bécassinien, l’exposition nous montre, par l’histoire bretonne fin dix-neuvième et début-vingtième, une garde-robe à part, qui redessine, dévisage et dépoussière les traditions d’un peuple. 

Empreinte textile, seconde peau

Dans une vieille bâtisse, passé le jardin. Comment s’habiller par tout climat ? trois salles le présentent, chacune selon trois contextes : tenue ordinaire, tenue festive et tenue de rituels – notamment religieux pour l’époque. 

Quand la fête bat son plein, on manifeste sa joie intérieure ; comme dans toute culture, par le vêtement. Mais les plus beaux costumes, ornés, sont réservés aux classes bretonnes aisées, mais restent sans grande prétention. Un tournant s’opère dans les années 1920, où l’esthétique ornementale s’élargit aux classes des travailleurs, et les femmes parent leurs tissus de petites perles bleues. 

Et les rites n’échappent pas à la règle. Constat surprenant pour nous, spectateurs contemporains : pour ce type d’occasion longuement anticipée, la tenue reste indifférenciée selon le genre du nourrisson. Par faute de moyens et pour des raisons pratiques, la robe unisexe l’emporte. Aussi, il n’est pas rare de rabibocher des tissus usés ou restant des habits d’adulte, des parents, pour créer des petites tenues d’enfants.

Chapeau et années folles

La guerre bouleverse le couvre-chef. Elle modifie la tradition locale de la coiffe masculine. La grande mode ? Porter la casquette, notamment en temps de grève. Quant aux femmes bretonnes, ces dernières maintiennent la grande coiffe canonique, l’industrie et le savoir-faire textiles traditionnels battant encore leur plein. Un symbole de revendications ? 

 

 

Dans l’ensemble des pièces, le La est donné à la richesse textile, par sa diversité au sein même de la région. Car chaque micro-région bretonne a son style, en fait l’originalité, et renforce l’appartenance à un groupe de travail, de famille, de vie. Léger bémol scénographique : l’exposition se prête à merveille à dévoiler la singularité historique et sociale de la région bretonne, mais la portée artistique actuelle de cette fécondité textile se montre timidement – peut-être par modestie ?. Exception faite au pull grandiose, d’un jaune moutarde éclatant, aux courbes traditionnelles en relief, signé Mathias Ouvrard, qui esquisse un clin d’œil clair, mais discret aux costumes du pays bigouden d’autrefois (ici : 2021, drap de laine, coll. Mathias Ouvrard).

Une Bretagne à (re)porter ?

Comment reporter l’humanité de cette zone à part ? Même si la région n’est pas encore le terrain adéquat aux avancées technologiques, les appareils photographiques se démocratisent davantage dans les années 1920 et 1930. Plusieurs photographes, plus ou moins de profession, tentent de relever le défi de représentation de la quotidienneté bretonne. Un double statut se fait sentir dans les photographies, entre travail documentaire et mise en scène des habitants pendant leur travail. Prise sur le vif dans son travail, décrites comme timides, posant droitement devant l’objectif. L’espace de l’exposition donne quartier libre aux clichés d’Abel Soreau et d’André Le Chat. 

 

“Modes et clichés” expose et questionne les coutumes régionales singulières, presque insulaires, pour gommer l’image réductrice de la Bretagne et rend justement compte du vêtement traditionnel, de manière sourcée, documentée et illustrée. Cet accrochage, en prolongement à l’identité du musée, donne à voir vêtements, et populations prises en flagrant délit dans leur profonde authenticité, et prouve qu’un accoutrement quotidien est devenu matière au folklore commun.

 

Pour en savoir plus sur l’exposition : https://musee-breton.finistere.fr/fr/nouvel-accrochage

Image de couverture : Office de Tourisme de Quimper

Images de l’exposition : Photographies personnelles

“Le fossé”, ou la tombe d’un monde qui meurt
Festival du dessin à Arles : [Interview] Joël Person : “J’ai peur des chevaux”
Noemie Wuchsa

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration