Politique culturelle
[Interview] Emmanuel Demarcy Mota “La réouverture se fera à l’automne 2018, un peu après les 50 ans du Théâtre de la Ville”

[Interview] Emmanuel Demarcy Mota “La réouverture se fera à l’automne 2018, un peu après les 50 ans du Théâtre de la Ville”

09 May 2016 | PAR Amelie Blaustein Niddam

En exclusivité et en très petit comité nous avons eu la chance de nous entretenir avec le directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d’Automne. Emmanuel Demarcy-Mota s’apprête à ouvrir une étrange période de deux ans où le Théâtre de la Ville deviendra le temps de lourds travaux le Théâtre dans la ville. L’Espace Cardin et 20 lieux accueilleront 100 programmes, dont des reprises alléchantes et l’arrivée de l’adoré Mohamed El Khatib aux côtés d’Israël Galvan et David Lescot comme artistes associés. Rencontre avec un directeur passionné.

Parlez moi des travaux, c’est la question qui nous passionne tous !

Cela faisait longtemps qu’il était question de faire des travaux au Théâtre de la Ville. Quand je suis arrivé en 2009 la question était posée, il y avait déjà eu des rapports qui étaient faits dès 2006. Depuis l’année de création du Théâtre de la Ville et de la destruction des salles à l’italienne, il n’y avait pas eu de travaux. Ils concernent des équipements techniques obsolètes, d’abord le plateau. Se pose la problématique d’accessibilité sur les décors et des mises aux normes obligatoires d’accessibilité pour les handicapés, toutes les formes de handicaps et ça c’est tout à fait normal. A partir de là, la réflexion s’est élargie avec la ville de Paris sur la nature même des travaux et des améliorations que l’on peut apporter tout en conservant la spécificité du Théâtre de la ville, le geste de Fabre et Perrottet c’est à dire ce grand gradin, cette grande salle qui sera conservée. Nous voulons être dans la continuité des 40 ans d’histoire du Théâtre de la Ville.

Quand aura lieu la réouverture ?

il y aura deux saisons de fermeture, et la réouverture se fera à l’automne 2018, un peu après les 50 ans du Théâtre de la Ville. Il y a une histoire aussi à raconter, celle du théâtre de la ville et sa continuité, sa très grande continuité, le projet de Jean Mercure évidement, l’idée de la diversité, théâtre, danse, musique de mai 68, la continuité de l’ouverture à l’international. Cela vient d’une autre histoire, post-seconde guerre mondiale à laquelle je suis attaché, celle du théâtre des nations, l’idée justement de l’international, de l’effacement des frontières, du dialogue avec les disciplines artistiques et en particulier des artistes venant du monde entier. C’est la maison où il y a le plus grand nombre d’artistes étrangers accueillis à l’année. Il n’ y a pas une forme de danse, y a des danses. Il n’y a pas un public pour le théâtre, il y a des publics différents et je pense que le nombre de spectateurs est très important pour le théâtre de la ville: plus de 250 000 spectateurs, ce qui forme une très grande diversité de public, les concerts de musique classique c’est un public, les publics pour les concerts de musiques du mondes c’est un public très différent, il y a ici un grand brassage qui correspond à une idée politique, dans le sens fort du mot politique, politique culturelle mais aussi la politique par rapport à ce qu’est Paris dans sa diversité des populations, Concernant les travaux, comment sont-ils reliés à cette identité ? Il y a une articulation importante entre le projet et le grand enjeu de cette fermeture du site du Châtelet. Le théâtre des Abbesses est maintenu. La réflexion qui a été menée à la fin des années 60, correspondait à la pensée d’un théâtre dans une ville et avec cette pensée politique et citoyenne du rapport à l’autre. J’ai beaucoup travaillé sur les archives comprends bien ce qui était les enjeux de la société française dans les années 70 de la création du théâtre de la ville. Cette volonté d’accueillir l’étranger, c’est un concept qui vient du théâtre des nations posé après la Seconde Guerre Mondiale, après que le théâtre soit débaptisé car c’était le théâtre Sarah Bernhardt sous le Régime de Vichy, pour une raison simple : Sarah Bernhardt était un nom juif. On le débaptise et on l’appelle alors le Théâtre de la Cité. Ils fallait après cela que les nations soit présentes, c’est comme ça que le Bunraku arrive à Paris, le Kabuki, le Berliner. Il faut essayer de redonner un peu d’envergure et de vision d’ensemble. Je veux faire comprendre les axes fondamentaux qui ont fait aussi le succès, non pas de cette maison mais du développement d’une politique culturelle et qui ont permis la naissance après du théâtre de l’Odéon. Ensuite on a le Festival de Nancy, 68, la naissance du festival d’automne en 72, on voit les grands mouvements qui sont parallèles, l’arrivée de Pina Bausch, dont le Théâtre de la Ville devient la maison à Paris. Cette fermeture doit être une réhabilitation et en même temps porter au plus haut cette réflexion politique. C’est dans cette formulation des architectes ont été choisis pour travailler dessus.  

Vous avez le droit de les citer ?

Ce sont Blond et roux. Ils se sont plongés dans cette histoire et sont en dialogue avec nous. Il faut inscrire cette ouverture au delà de la date d’anniversaire des 50 ans, dans une compréhension de ces grands mouvements, dans les disciplines, dans le rapport de la question sur les étrangers. Par rapport à la nature des travaux, l’enjeu est technique : travailler sur la grande salle en maintenant les principes de ces grandes volées de gradins qui est un geste très fort à l’époque, du fait de la destruction de la salle à l’italienne, qui est un geste fort. Aujourd’hui ce n’est pas ce que l’on ferait “Tiens on va détruire la salle à l’italienne et on va y construire un théâtre nouveau”, et c’est ce geste architectural qui ensuite s’est retrouvé à Chaillot, à la Colline, à Sartrouville. C’est un mouvement qui est produit à partir de là et qui va inciter et développer conjointement une politique culturelle et un rapport au public avec l’abandon de la salle à l’italienne pour les raisons que l’on connaît. C’est maintenu, c’est conservé…

Vous voulez augmenter le nombre de places? Ou le réduire au contraire ?

Le nombre de places est maintenu ( 996 ) mais il faut que l’on ait un système de réduction des places car sur certains spectacles c’est bien de travailler sur une jauge de 650 à 730, qui sont des rapports moins lointains que des rapports à 1000. Nous allons améliorer le confort pour le spectateur : température, acoustique, nombre de toilettes… Tout le système du cintre doit être entièrement refait, il y a un grand problème sur le cintre à l’heure actuelle. On va ré-approfondir le plateau… On est confrontés à de réels difficultés avec les spectacles d’aujourd’hui, on les fait parce que l’on considère qu’il faut absolument les présenter mais il y a beaucoup d’adaptation qu’on doit faire et mettre en oeuvre.

Et concernant le Hall ?

En terme de place les deux escaliers sont très centrés, donc ils bloquent une partie du hall. Il y a des nettes améliorations qui peuvent être conduite sur le hall, c’est à l’étude, aujourd’hui je ne peux pas vous dire comment sera le hall exactement, tout simplement car je ne le sais pas. Il faut voir aussi comment on peut améliorer le café des œillets en dessous, car ce n’est pas une salle, on en a fait une salle mais bon, avec les moyens du bord. Améliorer aussi l’espace de la coupole, qui est l’endroit de la répétition du théâtre mais où on peut aussi présenter des formes, comment rendre accessible cette endroit au public pour des répétitions ouvertes, des masterclass, tout le projet politique d’éducation artistique comment il peut être rendu beaucoup plus fluide et terme d’accessibilité justement, en y ajoutant un ascenseur.

L’idée est de rendre le théâtre accessible à tous.

Actuellement, les personnes handicapées rentrent par le 16 Quai de Gesvres, on est obligé de mettre des planches et de porter le fauteuil. Ça n’est pas normal de prendre un chemin détourné pour pouvoir entrer dans le théâtre. On est aussi en train de travailler sur d’autres formes d’handicap, comme par exemple la question des malentendants… En ce moment on mène des travaux, des formations avec les acteurs pour les enfants autistes. Il y a une réflexion générale sur les espaces aussi que l’on va appeler de convivialité, comme le bar. Il n’y a pas la vue sur Paris et c’est une question que l’on s’est posé avec les architectes, anciens et nouveaux, vis à vis d’un rapport intérieur extérieur.

Comment construire une programmation sur 20 théâtres très différents et éclatés dans Paris et même en dehors de Paris. Et surtout est-ce que cela permet de faire plus de spectacles qu’en configuration classique ?

Il faut quand même transformer la contrainte. Elle existe et elle a été importante. On s’est posé la question : est-ce qu’on “ferme le site du Théâtre de la Ville” et bien est-ce que l’on réduit l’activité, la présence des artistes étrangers, des compagnies françaises, de la jeune création…C’était une évidence.

( Question de Rick de I/O  et Rick &Pick) Dans quel sens a-t-on fait cette programmation, vous avez déjà cherché les théâtres partenaires qui seraient d’accord pour accueillir les spectacles ? Ou ; vous aviez les spectacles et il a fallu trouver des emplacements ?
Les réponses sont dans la conjonction des deux approches possibles. Depuis 5 ans on a développé des partenariats avec un ensemble de lieux à Paris. Dans cette idée d’ouverture, ce qui m’intéresse c’est comment on ouvre le théâtre de la Ville- on va parler des tranches d’âges et de la diversité des publics, etc. Dans cette ouverture, comment le Théâtre de la Ville développe des partenariats avec d’autres théâtres dans la ville pour accompagne les artistes et permet une circulation des publics qui soit fluide ? Cela s’est fait par des axes : le parcours enfant-jeunesse par exemple qui s’est fait avec le Théâtre Montfort, le Théâtre Paris Villette, avec le 104… Donc il y a eu des partenariats qui se sont fait par exemple le Théâtre du Châtelet d’ailleurs cette année pour Pina, le théâtre de Montreuil (avec la compagnie blitz qui était venue dans le cadre de Chantiers d’Europe et qui passera au Festival d’Avignon). Le Grand Parquet, aussi, un lieu dans le 19eme qui n’est pas une grande institution mais plutôt un lieu de proximité, avec une jauge modeste (200 places) mais qui fait un travail que moi je dirais, comme artiste, avec la diversité de son public, de ses acteurs et son accessibilité (petit tarif). Il faut ouvrir des relations transversales et non pyramidales, c’est ça l’esprit et la philosophie. Donc cette pratique elle a existé pendant ces 5 dernières années et effectivement y  compris avec le Châtelet, donc au-delà, l’enjeu de cette fermeture est de se dire que l’on souhaite vraiment que les artistes qu’on a accompagné ou qui sont accompagnés par cette maison dans leur diversité des trois disciplines le soient encore. Comment continuer ce projet artistique, et comment la fermeture du Théâtre de la Ville ne va pas faire que ces artistes ne soient pas présents à Paris ? D’abord réfléchir sur les artistes que l’on souhaite accompagner et la réflexion est partie comme ça avec Claire Verlet (qui travaille sur la Danse) et Christophe Lemaire (qui travaille sur le Théâtre) donc tout les trois on a beaucoup (et avec le reste de la maison d’ailleurs) partagé sur ces questions. De là, de se dire quels sont les lieux les plus appropriés en fonction de la nature même du spectacle. Je parle de dimension de plateau, de question très pratiques, très réelles, qui sont celles tout simplement du théâtre, quel type de plateau, quel rapport scène – salle semble bon. Et enfin, quels sont les lieux nouveaux à qui on peut proposer ces collaborations nouvelles, autour d’artistes qu’on peut proposer ou qu’on peut avoir en idée conjointement, parce qu’il y a aussi eu des cas d’idées conjointes, et qui peuvent correspondre à aussi une ouverture pour ce lieu. Par exemple: Maguy Marin dansera BIT au Rond Point. Il y aura de la danse, ce qui n’est jamais arrivé, à la Colline. Donc là il y a eu un intérêt réel du partenaire on va dire..

Quels seront les coûts des billets pour les spectateurs ?

Les tarifs seront ceux des salles qui accueillent. On ne peut pas non plus casser la grille tarifaire du théâtre des Champs Élysées et dire “ On va présenter à 40€ “alors qu’ils sont sur un tarif à 80, ou à 130, ou à 150. Il va falloir trouver un intermédiaire.

Où se fera l’ouverture de saison ?

Le Théâtre de la Ville sera ouvert jusqu’au 9 octobre. La saison ouvrira avec Viktor de Pina Bausch le 3 3 Septembre. La programmation s’étend jusqu’à Juillet. Et on est aussi dans cette idée, je vous le rappelle, c’est que le théâtre de la ville ne jouait pas par exemple le Dimanche, avant la saison 2009-2010, c’est des choses qu’on a oublié ou qu’on ne voit pas, on ne jouait pas forcément pendant les vacances scolaires, comme beaucoup de lieux. Nous on a dit “ Non y a pas de raison, on doit être ouvert le dimanche, on doit pouvoir jouer même le Lundi, ça dépend “, donc d’avoir cette liberté, aussi, de proposer une vraie saison théâtrale qui démarre début Septembre et pas le 25 Septembre.
On est dans cette philosophie là.

Visuel : ©Amélie Blaustein Niddam

Amélie Blaustein Niddam et Kevin Depessemier

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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