Performance
Enora Rivière et Mohamed El Khatib au Festival Zoa

Enora Rivière et Mohamed El Khatib au Festival Zoa

28 October 2015 | PAR La Rédaction

Hier soir le pointu et exigeant Festival de danse et performance Zoa (Zone d’Occupation Artistique) mettait au plateau, à la suite, deux spectacles : Moteur #1 d’Enora Rivière et Moi, Corinne Dadat du collectif Zirlib. Deux spectacles qui interrogent l’étrangeté d’être sur scène.

 

20h Moteur #1 d’Enora Rivière

[rating=4]
Une salle plongée dans l’obscurité, une paire de baskets, Enora Rivière, seule en scène, à quatre pattes, en noir sur ce sol blanc. Les mots défilent, projetés sur un écran blanc. On s’interroge, on rit, on reste perplexe, le temps se suspend, puis on rit de nouveau. Le travail d’Enora Rivière questionne le point de vue du danseur, son rapport à son propre corps, à l’espace, au mouvement, au public. Comment chaque mouvement fait-il l’objet d’un acte de pensée, d’un processus mental ? Quelles sont les émotions qui en émergent ? Et Enora Rivière de torde le cou à quelques idées reçues, non sans humour : « Sois naturel – Comme si c’était naturel d’être sur une scène ». Sortant des codes de la mise en scène, elle joue avec le public, l’interpelle, singeant volontairement ses mouvements. Même le plus insignifiant s’effectue en pleine conscience, requiert un effort insoupçonnable. Après le point de vue d’Enora, c’est celui du public et son rapport au danseur qui est passé au crible.

Un sujet de fond, qui prend avec Moteur #1 la forme d’un exercice de méditation collective inattendu et passionnant. Moteur #1 est le premier chapitre d’un projet intitulé Moteur, qui fait suite au livre d’Enora Rivière intitulé ob.scène, récit fictif d’une vie de danseur, publié aux Editions du Centre national de la danse. Enora Rivière est également chercheuse en danse et a travaillé notamment avec Gilles Jobin, Dominique Brun et Mickaël Phelippeau.

Araso

21h Moi, Corinne Dadat du collectif Zirlib

[rating=5]

Mohamed El Khatib fut cet été l’une des révélations du Off d’Avignon. Il présentait alors à la Manufacture Finir en beauté, un spectacle documentaire à l’humour féroce sur le deuil de sa mère. Ici, pour Moi Corinne Dadat, le dispositif scénique est le même  que dans son précédent spectacle. Il se présente à nous, sourire espiègle et carnet de notes à la main. Il y a un écran et une petite régie. Corinne Dadat est là. Elle est massive :  “je mesure 1 mètre 68 et je pèse 70  kilos”. Elle porte les cheveux  blonds au carré, elle est vêtue d’une blouse verte et tient fermement dans sa main un sac-poubelle. Corinne est femme de ménage. Mohamed la rencontre lors d’une résidence et se surprend de son manque d’altruisme. Elle le remet sèchement en place quand il lui demande pourquoi elle ne répond pas à ses “bonjours !’ : simplement parce que généralement, quand elle dit bonjour, personne ne lui répond. Simple, direct. Il n’en fallait pas plus au metteur en scène pour avoir le désir de lui tirer le portrait à sa façon. Corinne est mariée “à un Algérien”, elle a “4 enfants” et n’a pas “encore voté Front National”

Le corps de Corinne, 53 ans, est opposé à celui d’Elodie Guezou, danseuse de 24 ans à la souplesse extrême. Que provoque un travail sur un corps ? Que font les produits ménagers sur les mains de Corinne ? Qu’est-ce cela qu’implique sur la souplesse du dos de pousser ce robot serpillière  ? Mohamed El Khatib prend le ballet au sens propre, celui qui nettoie, censé être associé à la saleté et celui dansé par les étoiles de l’Opéra, ici, le Lac des Cygnes que Corinne accompagne sur sa chaise à roulettes, elle qu’on ne voit pas qui part avant et après, en opposition à la danseuse qui se produit sur scène. Mohamed El Khatib intervient ici en chorégraphe des mots et des gestes pour rendre compte d’un état des lieux précaires. Il est le Daumier de la performance, mettant en lumière les petites gens invisibles.  L’une fait un métier dénigré, l’autre  est dans une instabilité folle d’emploi. Rien n’est enviable ici. Corinne dit qu’elle ne rêve plus. Pourtant, elle est belle et puissante, c’est indéniable. Sa grande gueule qui souvent ne croise personne dégage une violente poésie. El Khatib sait parfaitement, par des symboles simples et directs attraper nos émotions et nous donner la sensation que l’on a toujours connu Corinne Dadat.

 Amélie Blaustein Niddam

Crédit photo :© Marion Poussier

Le festival Zoa joue encore Vendredi 30 octobre à 19 h 30 à la Mairie du 4eme arrondissement et proposera la création de Stéphanie Lupo, Danse ou crève.

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