« BiT » au Théâtre de la Ville : Maguy Marin entre farandole rythmée et orgie noire
Adieux généreux de la chorégraphe Maguy Marin à la ville de Toulouse, BiT investit Le Théâtre de la Ville- Les abbesses dans le cadre du festival d’automne. Une pièce exigeante qui explore à la fois les affres du rythme et les recoins sombres de l’âme humaine, ce point exact où le corps se laisse glisser. Un festin de sens à ne pas manquer, jusqu’au 15 novembre.
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Le son mi-planant, mi-grattant du designer sonore et compositeur Toulousain Charlie Aubry donne le la d’une pièce intense, où rythme et lumière commencent par monter, tandis qu’un joyeux sextet de danseurs parés d’habits colorés entame autour de 6 planches qui semblent figurer de paisibles collines, une farandole joyeuse et presque populaire.
Les demoiselles ont de bien belles gambettes, le mouvement se répète, dans un sourire inlassable… Le son monte, le rythme s’intensifie, la lumière grimpe, on joue du toboggan, jusqu’à ce qu’un drap rouge soit tiré en haut d’une planche. Le couperet est tombé, la lumière se tamise et l’innocence prend fin. Les corps dénudés se découvrent dans des draps et se laissent très lentement glisser, entremêlés. On voit des culs, des membres, la lascivité de la lenteur de ce tomber de corps et puis aussi les torses sanglés dans des harnais en cuir.
La nuit tombe tout à fait, les corps sont au sol et c’est l’orgie un peu plus que suggérée. Le pas populaire reprend, plus grave; des moines semblent se promener en robe d’époque, avec le fil de la vie à tisser; des moines en robe de bure reprennent le pas et le rythme, toujours dans la pénombre pour un carnaval qui finit en viol collectif.
On enfile des costumes pailletés très chic allemands années 1980 et qui n’auraient pas déplus à Pina Bausch et c’est sur le mode mondain que les 6 danseurs reprennent le pas, ils contournent les planches, s’y glissent. Une femme est menacée sexuellement par un homme en costume, et puis les planches se rapprochent comme des tenailles pour donner une pente lisse. On ressort les fleurs, la lumière, les sourires, le rythme de Charlie Audry se fait franche techno et l’on finit dans un bal pop de boite de province, toujours suivant le rythme et le pas …
Troublant exercice de rythme, ce “BiT” est à la fois le jour et la nuit, l’armure et la nudité, la maîtrise et le plus entier laisser-aller. Charnelle, vivante et à la fois graphique et numéraire, la pièce compte les tours de pistes sans jamais lasser un public bluffé par l’audace et les à-coups que les corps posent. Un moment de performance fort, exigeant, dont on ressort des questions plein la tête – et les tripes.
Maguy Marin “BiT”, en collaboration avec Ulises Alvarez, Kaïs Chouibi, Laura Frigato, Daphné Koutsafti, Mayalen Otondo, Cathy Polo & Ennio Sammarco. Durée du spectacle = 1h.