Galván intime dans l’immense Chapelle Saint Louis
En guise d’entrée pleine et entière dans la nouvelle saison, le Théâtre de la Ville, toujours en travaux, invite le maître du flamenco contemporain à investir seul, ou presque, la chapelle Saint-Louis de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Un solo monumental.
8 solos 8, tel est le nom de cette pièce. Peut-être parce que cette chapelle à la taille d’une cathédrale, construite par Louis Le Vau à la demande de Louis XIV, l’est sur le modèle de la croix grecque. Cela donne quatre nefs et quatre chapelles, quatre et quatre qui font huit donc. Peut-être parce que la danse contemporaine se compte en huit temps. Mais dans le flamenco, non, dans le flamenco, le compte est permanent, illimité… Peut-être qu’il faut alors voir le 8 comme le symbole de l’infini. Cela semble plus juste.
Israël Galván a fait depuis longtemps son de tout bois, y compris de cercueils en 2007. C’est simple, on l’a vu faire tinter son corps sur tous les supports possibles. Ses genoux sur les aciers des marches de la Cour d’honneur, et ses pieds sur le sol fragile occupé par des chats au Cirque Romanès. Et si souvent, il a grimpé sur des tables de toutes les matières.
Galván s’est très vite émancipé des carcans du flamenco. Pas de castagnettes (quoique !), de mantille ou autre joujou, Israël ne s’intéresse qu’au rythme et au corps.
Pour ce solo qui est autant un témoignage qu’un acte, il nous promène du bout des bottes. On le suit, enfants captivés par le cadeau offert, où qu’il aille. Et pour commencer, il traverse, en ligne droite accidentée, la nef centrale de cette Chapelle définitivement immense. Il va aller d’un bout à l’autre et cela aurait pu suffire à faire un spectacle. Sa traversée est l’occasion de voir ses pitos prendre possession de l’air, et ses zapateados passer du claquement de pieds à des glissements qui cisaillent la pierre.
Le public est donc acteur dans cet exercice de marche. Cela donne des images d’une rare beauté où nous toutes et tous formons un cortège autour du danseur seul et pourtant si puissant. C’est simple, il domine l’espace pendant longtemps vide de musique. Les seuls sons viennent de lui, de tout son être. De son palais à ses oreilles en passant par chaque millimètre de son dos. Galván danse de partout, de tous ses muscles. Le voir d’aussi près est une chance inouïe. Nous vous avons parlé plus haut de la structure architecturale de ce monument, et nous comprenons que le danseur va nous guider dans une visite très particulière.
Galván interroge, avec 8 solos 8, l’équilibre entre la terre et le ciel. Il n’est pas neutre de danser le flamenco dans une église, même désacralisée. Alors, quand l’orgue s’en mêle et que Benjamin Alard nous fait entendre Scarlatti d’une autre oreille, le corps de Galván devient baroque et toujours teinté d’humour et de jeu.
Il y a un geste, parmi les milliers de ce spectacle, qui résume peut-être mieux que les autres la volonté qu’a ce danseur de déconstruire toujours le flamenco tout en le maîtrisant furieusement. Il suspend ses palmas avant que ses doigts ne claquent sur la paume de l’autre main. Le geste est symbolique, silencieux pour une fois, et pourtant il résonne fort.
Galván danse encore, danse plus fort et ne cesse de se renouveler. À voir absolument et il reste des places !
Jusqu’au 14 septembre, dans la chapelle Saint Louis, entrée Mazarine. Entrée par l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Visuel : Affiche