Théâtre
« Le mimétisme n’a aucun intérêt » : Nicolas Vallet, metteur en scène

« Le mimétisme n’a aucun intérêt » : Nicolas Vallet, metteur en scène

04 June 2019 | PAR Philippine Renon

Pour la deuxième année consécutive, le Printemps des Comédiens développe le Warm Up. À l’initiative de Julien Bouffier, cette section du festival Montpelliérain soutient des œuvres théâtrales émergentes et confronte à un public des travaux en cours. Dans le cadre d’une résidence au Théâtre de la Vignette, le professeur, auteur et metteur en scène, Nicolas Vallet, montrait Persona. Son adaptation en miroir du film d’Ingmar Bergman, verra le jour très prochainement on l’espère. Rencontre.

 

 

Quand avez-vous eu envie de porter ce film à la scène ?

C’était il y a trois ans, au cours Florent, où j’enseigne. J’ai d’abord eu l’idée de travailler sur l’audio-description pour apprendre aux élèves à regarder une image, la décrire, et la transmettre. Je cherchais le support, un film, quand je suis tombé sur cette phrase de Bergman : « Je sens aujourd’hui que dans Persona je suis arrivé aussi loin que je peux aller. Et que j’ai touché là, en toute liberté, à des secrets sans mots que seul le cinéma peut découvrir. » Alors j’ai voulu mettre des mots sur ces images en essayant de ne pas aller à la recherche de ces secrets car c’est un piège, on ne trouve jamais. Mais c’était là tout le challenge !

Dans la pièce vous confrontez le silence à la parole, le montré au caché, le dit et le non-dit…

Il fallait trouver une résonance à partir du film, comme un reflet pour construire une pièce en miroir. Mais comme l’image est présente à travers l’audio-description, la question s’est posée de ce qu’on allait montrer concrètement. Le mimétisme n’a aucun intérêt, alors on a essayé visuellement d’en dire le moins possible, pour que les spectateurs trouvent l’espace de poser leurs propres images sur ce que l’on dit, par analogie. Quand l’audio-description dit « Elle se passe de la crème sur le visage », va-t-on faire jouer exactement une femme qui se met de la crème où allons-nous montrer un geste analogue qui évoque une caresse, un rituel rassurant ? Il a fallu trouver tous ces à-côtés qui racontent quelque chose. C’est comme si le film traçait une ligne droite et que nous, nous serpentions autour. Il y a nécessairement des moments de connexion qui raccrochent davantage au film, mais nous tentons des écarts, plus ou moins grands.

Le film est projeté dans le dos du public, dans quelle intention maintenez-vous la présence de l’œuvre de Bergman ?

Ce film est vraiment une icône. Un chef-d’œuvre auquel on ne touche pas, achevé. Mais il est aussi une injonction au théâtre, alors je m’en sert comme d’un tuteur, quelque chose quel l’on doit suivre. D’autant que cette force envoie des projections lumineuses qui donnent du sens à cette présence. Mais nous n’avons montré qu’une partie de la pièce alors peut-être que par la suite cela va évoluer. Est-ce qu’on va se tenir au film pendant tout le spectacle ? Va-t-il y avoir une rupture ? On ne sait pas. En tous cas la projection dans le dos du public est une manière de mettre le spectateur dans l’inconfort.

Il est obligé de tourner la tête effectivement…

Oui et d’ailleurs c’est volontaire. Il n’est pas obligé de se retourner, cela relève d’un choix, conscient ou inconscient. Mais c’est une curiosité naturelle qui nous pousse à vérifier, comparer. Quelque part on est pris en étau entre ces deux propositions.

Le film à suivre est une contrainte que vous avez réussi à dépasser, pourquoi avoir été encore plus loin dans la froideur notamment ?

J’ai voulu radicaliser cet aspect de l’œuvre de Bergman, avec une première partie qui impose grâce à cette boîte blanche que j’ai voulu saisissante. Cela permet d’opérer la bascule avec un deuxième moment, beaucoup plus chaud, qui se déroule à la plage. 

Quelle place tient la maladie psychiatrique dans votre travail et vos réflexions personnelles pour que vous choisissiez de l’aborder au plateau ?

Je pense que c’est un sujet universel alors cela résonne forcément. En psychologie analytique, la  persona est le masque social. C’est ce que l’on nous oblige à être. On est toujours pris entre ce que l’on est, et ce que l’on voudrait être. Et c’est un cheminement à faire à l’intérieur de soi pour chercher qui l’on est, si tant est que cela soit possible. À mes yeux cela parle à tout le monde, alors évidemment à moi aussi.

Votre pièce est encore en fabrication, avez-vous une idée de la suite ?

J’ai des pistes, mais je ne connais pas la fin. L’idée de ce travail, c’est de dérouler un fil pour voir à chaque étape quelles vont-être les difficultés que nous allons rencontrer sur ce chemin. Je ne sais pas encore…  C’est au plateau que l’on va découvrir tout cela !

 

Visuels : © Marc Ginot 

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Philippine Renon

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