La Flûte enchantée selon Robert Carsen à l’Opéra national de Paris
Cet automne à l’Opéra Bastille, Robert Carsen réinterprète La Flûte enchantée. La mise en scène d’une modernité minimaliste entend insister sur l’omniprésence de la mort dans ce célèbre singspiel en deux actes de Mozart. Au cœur des décors originaux créés par Michael Levine, les artistes lyriques nous touchent et nous font rire en revisitant le livret d’Emanuel Schikaneder.
Un choix d’interprétation esthétique
Les costumes épurés et unis corrélé à une mise en scène aux allures sectaires et religieuses font écho à l’histoire de l’écriture du livret de l’opéra. Le conte, inspiré des rites maçonniques, transmet les valeurs de la franc-maçonnerie du XVIIIe siècle par une réflexion sur le Bien et le Mal, mais traduit aussi le triomphe de la raison sur les ténèbres. Pourtant Robert Carsen, à travers sa relecture de La Flûte enchantée, cherche à mettre en valeur la prédominance de la mort.
En effet, tout au long de la pièce, la redondance des mots “mort” et “silence” se lie à l’évocation de meurtres et de suicides. Les chanteurs déambulent entre les tombes rectangulaires creusées dans des vallons d’herbe verte et les cercueils à demi enfouis dans une terre humide, tout en portant un texte aux symboliques fortes.
Les décors conçus par Michael Levine sont uniques et très réussis. Ils participent à l’esthétique presque minimaliste du spectacle et permettent au spectateur de comprendre au mieux l’histoire qui nous est chantée. Les quelques artifices utilisés ne sont pas trop extravagants et ne gâchent pas la fausse simplicité de la scénographie. De même, la projection de vidéos et d’un paysage forestier qui se modifie au fil des saisons est un choix pertinent et pesé. Cela permet d’introduire une notion de temps et répond à l’évolution des personnages.
Des chanteurs enchantants
Face au silence de Tamino, Pamina chante sa tristesse, et c’est la voix de Pretty Yende qui résonne et nous transporte. On atteint alors le paroxysme émotionnel du singspiel, rivalisant avec le célèbre et merveilleux air de la Reine de la Nuit interprété par Caroline Wettergreen.
Huw Montague Rendall, dans le rôle de Papageno se distingue lui aussi remarquablement. Il assume très bien ce personnage à l’importance un peu oubliée, mais qui pourtant assure le lien entre le bien et le mal, la vie et la mort, l’enfance et l’âge adulte.
La Flûte enchantée, c’est jusqu’au 19 novembre 2022.
Visuels : © Guergana Damianova / OnP