HUW MONTAGUE RENDALL, UN JEUNE ET FORMIDABLE HAMLET
À Berlin, sur la scène de la Komische Oper, le jeune baryton anglais Huw Montague Rendall est Hamlet, excellent et troublant dans l’opéra de Ambroise Thomas. Il forme avec la soprano Liv Redpath, qui interprète Ophélie, un duo fascinant. Sous la direction de Marie Jacquot, l’orchestre est splendide. Nadja Loschky signe une mise en scène sans âge qui manque de singularité et de personnalité.
Dans le hall d’un château cossu – un grand escalier, un lustre en cristal, des rideaux en velours, la tapisserie couleur lie de vin – apparaissent la reine et le nouveau roi, le prêtre, les servants et toute la Cour. C’est dans cette société hypocrite et vulgaire qu’Ophélie, Hamlet et Yorick, son alter ego (un fou en culotte bouffante et cuissardes) semblent ne pas trouver leurs places. Leur juvénilité, leur simplicité, leur refus des apparences dans un système immoral et dégénéré les isolent.
Le baryton britannique Huw Montague Rendall campe un Hamlet morose, intranquille et effronté. Son teint pâle et ses vêtements blancs font de lui une silhouette discordante dans ce monde rouge sombre, impur et corrompu. Hamlet est ici un enfant attendrissant qu’on n’a pas vu grandir. Son pantalon est trop court et la mission qui lui est confiée (suite à la mort de son père et l’apparition de ce dernier en fantôme) semble trop lourde pour ses frêles épaules. Pourtant, il se montre combattif et déterminé. Il célèbre l’ivresse et la vérité. Il transperce les murs du palais à coups de pioche pour rendre visible la terre et la pourriture. Le jeu et le chant du jeune chanteur sont naturels et renversants. Sa voix est délicate et épanouie, sa diction impeccable. Également jeune, la soprano américaine Liv Redpath est Ophélie, resplendissante et émouvante. Elle affronte avec aisance les difficultés du rôle, offre des aigus éclatants, une forte présence scénique et une belle musicalité.
Nadja Loschky semble n’avoir pas voulu s’encombrer de réflexions psychologiques ou inédites en racontant Hamlet comme tant de fois, assez littéralement. Elle développe une esthétique de château hanté, des images cauchemardesques et post-traumatiques, ce qui justifie l’omniprésence des croque-morts sinistres avec chapeaux, gants, attachés-cases et parapluies noirs. Plus tard, la scène est recouverte de terre ; le palais est délabré. On est proche d’une version scénique conventionnelle et démodée. La pièce nous touche mais ne nous interpelle pas assez, ne nous concerne que trop peu. Les chanteurs acteurs jouent souvent face à la rampe comme autrefois. De même, la gestion du chœur est assez classique. Des danseurs doublent les protagonistes et miment les pensées et les rêves des personnages comme, lors d’un pas de deux gnangnan, l’amour heureux qu’auraient pu vivre Hamlet et Ophélie. On regrette que leurs interventions ne servent pas à créer plus de mystère ou explorer ce qui n’est pas déjà explicitement dit. Leur présence s’avère être surtout utile pour porter un accessoire et changer le décor.
Dans la fosse, Marie Jacquot cherche l’équilibre, la pertinence et la vivacité. Elle inspire l’orchestre et lui insuffle joie, densité, poésie et puissance, dévoile de multiples détails, favorise des solos instrumentaux délectables, tout en faisant progresser le drame jusqu’au final déchaîné.
Photo : Monika Rittershaus