« Les Noces de Figaro » de Mozart au Wiener Staatsoper : Une Folle journée réellement folle
La nouvelle mise en scène de Barrie Kosky, la direction alerte de Philippe Jordan et un plateau vocal homogène et de haut vol ont fait de cette représentation du dimanche 19 mars 2023 un grand moment de l’art lyrique.
Il est toujours émouvant d’assister à un opéra dans la ville où il a été créé. C’est le cas pour ces Noces de Figaro, opéra créé en 1786 au Burgtheater de Vienne et première collaboration entre Mozart et le librettiste Lorenzo da Ponte qui en comptera deux autres (et quelles autres !), Don Giovanni et Così fan tutte. L’événement se trouve aussi au niveau théâtral : le Wiener Staatsoper a commandé trois nouvelles mises en scène à Barrie Kosky pour le cycle Mozart/da Ponte. Don Giovanni a été présenté en 2022, c’est donc le tour des Noces.
Cette nouvelle production ne recourt pas à l’actualisation bête, mais saupoudre d’une modernité bienvenue le livret de da Ponte. Servie par de magnifiques costumes signés Victoria Behr et des décors intelligents (quels magnifiques actes 2 et 3 !) réalisés par Rufus Didwiszus, Barrie Kosky signe une mise en scène virevoltante, proposant là une véritable « Folle journée ». Grâce à une direction d’acteur parfaite, chaque chanteur et chaque chanteuse semble à sa place. Les accessoires utilisés intelligemment (un balai, une petite culotte, une épingle…) font basculer la pièce dans la farce, sans que le metteur en scène n’occulte le caractère de prédateur du Comte Almaviva.
Si ces Noces de Figaro portent si bien le sous-titre de la pièce de Beaumarchais, « La Folle journée », c’est aussi grâce à la direction musicale sans temps mort de Philippe Jordan. À la tête de l’orchestre du Wiener Staatsoper, l’ancien Directeur musical de l’Opéra national de Paris choisit dès l’ouverture un tempo rapide qu’il ne lâchera pas. Tout est précis, fin et parfaitement réglé avec le plateau vocal.
Andrè Schuen est un Comte brillant, au personnage alternant entre l’homme épris de sa femme et le prédateur, ce qui transparaît notamment dans sa voix qui peut aussi bien se faire pressante et menaçante que douce et suppliante. Sa femme sur scène, Hanna-Elisabeth Müller, est peut-être la grande voix du spectacle, parvenant à émouvoir sans aucun artifice grâce à une voix agile et fruitée. De l’autre côté du miroir, les deux domestiques ne déçoivent pas non plus : la Susanna de Maria Nazarova (qui remplace Ying Fang souffrante, et que l’on peut voir sur les photos), dont la taille provoque quelques moments comiques, charme par un timbre lumineux tandis que son futur mari sur scène, Peter Kellner, joue un Figaro totalement investi physiquement et vocalement.
Les autres protagonistes de cette représentation ne déçoivent pas non plus. Le Cherubino de Patricia Nolz émeut lors de ses grands airs, particulièrement lors de « Voi che sapete ». La Marcellina de Stephanie Houtzeel, entièrement délurée, possède une voix puissante. Don Basilio (Josh Lovell), son pendant sur scène, parvient à réellement effrayer dès son « Vendetta » et sera particulièrement applaudi. Citons également le Don Curzio d’Andrea Giovannini, le Dr. Bartolo de Stefan Cerny, l’Antonio de Wolfgang Bankl et la Barbarina de Johanna Wallroth (beau « L’ho perduta »). Le public ne s’y trompe pas, et réservera une standing ovation à l’équipe artistique lors des saluts.
À noter : Le spectacle est disponible sur Arte.tv sur ce lien
Le Nozze di Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart, le dimanche 19 janvier 2023 au Wiener Staatsoper (Vienne). Direction musicale de Philippe Jordan et mise en scène de Barrie Kosky.
Photos : © Wiener Staatsoper / Michael Pöhn