Opéra
Une joyeuse et jeune Échelle de soie à l’Opéra de Paris

Une joyeuse et jeune Échelle de soie à l’Opéra de Paris

11 May 2023 | PAR Thomas Cepitelli

Des amours secrètes, un mariage forcé à venir, un tuteur autoritaire….un cocktail explosif par le jeune Rossini….rafraichissant ! 

La nuit, le jeune et séduisant Dorvil prend une échelle de soie pour rejoindre dans sa chambre sa jeune épouse Giulia. Pourquoi le fait-il en secret ? Parce qu’il l’a épousée en secret du tuteur de celle-ci, Dormont qui, l’on s’en doute, l’a promise à un autre homme, Blansac ; tout ceci, sous le regard peu aidant de la cousine jalouse Lucilla et du serviteur Germano. Tout le monde a ses secrets que l’on espère garder… Oui, mais l’on est à l’opéra …et donc tout s’apprend en chantant….

Si l’œuvre n’est pas la connue du compositeur, on y voit en germe tout ce qui fera son succès et sa postérité. Il n’est encore qu’un jeune homme de vingt ans, qui écrit ses petites fables en musique pour le public vénitien lorsqu’il met en musique les amours contrariées et amusantes de ce jeune couple hors-la-loi du père…. Les rapports maître-valet qu’il abordera dans Le Mariage de Figaro tout comme les envolées lyriques de La dame du lac sont déjà là. Cachés comme les amours interdites de ces jeunes gens attachants. 

Une chambre comme une boite à secrets…

Pascal Neyron, qui signe la mise en scène, nous plonge dans les années 1970. Ray-Ban sur le nez, choucroute permanentée sur la tête, couleurs acidulées pour ces dames, vestes cintrées pour ces messieurs….la mode change, mais les secrets restent. Le jeu des artistes lyriques force l’admiration. Tout ce petit monde se chevauche, escalade, chante tête en bas pour leur plus grand plaisir et le nôtre. Le désir est dans le livret et donc sur scène, sans fausse pudeur. L’engagement dans le jeu est total. Ils et elles n’ont pas peur du ridicule, de l’outrance. Et c’est tant mieux !

La scénographie de Caroline Ginet est d’une grande ingéniosité. En effet, dans cette chambre les parois de bois exotique sont amovibles, à coulisses, et permettent aux personnages d’apparaître et de disparaître à loisir. Autant de secrets possibles donc, de regards dissimulés et de désirs retardés. C’est une sorte de cabinet de curiosités qui est offert au public. Un éventail des émotions, calculs, sensations physiques qui traversent celles et ceux qui s’aiment….ou qui ne sont pas aimé-e-s en retour. C’est amusant souvent, triste aussi parfois. 

… et à délices musicaux. 

Les jeunes solistes de l’Académie partagent, en alternance, les rôles principaux écrits par Rossini.  Cette petite forme est donc une occasion rêvée de découvrir celles et ceux qui feront nos belles soirées lyriques de demain. Bien sûr, certaines voix sont encore en train de mûrir. Mais on ne saurait bouder son plaisir à avoir découvert le jeune Yiorgo Ioannou qui interprète Germano et dont les graves sont assurés voire troublants même sous les airs de benêt qu’impose son personnage. Le duo d’amoureux, assuré le soir où nous assistions à la représentation par Bloglarka Brindas et Kiup Lee, est charmant à souhait. La jeune soprano est bouleversante de justesse dans son air “Il mio ben sospiro e chiamo”. Elle passe d’un registre à l’autre avec beaucoup de grâce et de talent. Preuve ,une fois de plus, que le talent n’attend pas le nombre des années… La direction de la cheffe Élisabeth Askren est joueuse et joyeuse. Surtout dans l’ouverture où elle fait entrer chaque instrument solo avec clarté. Sa direction dynamique, parfois presque trop rapide, n’en fait pas pour autant oublier la tension dramatique qui règne sur ces jeunes amants. 

L’on souhaite à toute cette jeune équipe de prendre l’échelle du succès. 

Visuels : © Vincent Lappartient

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Thomas Cepitelli

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