Théâtre
Le délicieux festival Confit s’ouvre sur une bouillabaisse à la Garance

Le délicieux festival Confit s’ouvre sur une bouillabaisse à la Garance

11 May 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

La Garance est une scène nationale située à Cavaillon, pile entre Marseille et Avignon. Et c’est sous un combo de carte postale ciel bleu/soleil/platanes que s’est ouverte la toute première édition du tout premier festival Confit pensé par la géniale directrice du lieu, Chloé Tournier. À table !

“La bouillabaisse, c’est un humanisme”

Le festival s’est donc ouvert avec Poétique de la bouillabaisse, soit… un banquet. Oui, un vrai banquet, genre mariage, vous voyez. Dans la salle, une dizaine de tables longues, nappées. Autour, une brigade chic grouille. Elle est constituée des jeunes élèves du Lycée Alexandre Dumas, à Cavaillon.

Ce dîner est en réalité un spectacle, un dîner-spectacle si vous préférez. Oubliez le Lido, ici, on est loin de Paris, on est ailleurs, exactement, nous sommes au “Cabanon”, reçu par le chef nomade Emmanuel Perrodin et par la violoncelliste Noémie Boutin. Ils sont tous les deux sur une scène surélevée. De lui, on ne devine que les mouvements. Les mains sont cachées, prises dans les fourneaux. C’est intrigant et délicieusement frustrant de ne pas pouvoir immédiatement obtenir ce que l’on regarde.

Mais nous dit-il en creux, la recette de la bouillabaisse, ça n’existe pas. Chacun la sienne. Lui aime bien y mettre un jus d’orange et des tomates. D’autres n’y mettent même pas de poisson ! Bref, c’est chacun la sienne.

“L’homme a inventé la bouillabaisse, mais le vent en dicte la recette du jour. Pour connaître le parfum qu’aura la soupe à midi, il suffit de humer, c’est certain, à minuit l’odeur de la rose des vents” (Raymond Dumay)

Le spectacle est un pas de trois multiple entre la terre, la mer et le vent. Avec ses cordes, Noémi Boutin voyage des paysages occitans au Japon. De son archet, elle fait souffler les notes dans un chant qui sait aller très haut, aussi haut que les volutes de vapeur qui s’échappe de la grosse marmite.

Lui, pendant qu’il effeuille, émince, découpe tout ce qui est posé devant lui, nous raconte comment ce plat du pauvre, ce plat où on glisse une roche à l’intérieur pour ne jamais manquer de poisson le lendemain, est devenu le fleuron de la cuisine française.

“Ça boue, tu baisses”

Durant une bonne heure, le chef cuisine avec une sympathie débordante. Nos papilles sont surexcitées, elles n’attendent qu’une chose, être rassasiées désormais. La libération se fait et là, le spectacle prend une tout autre tournure. Lui aussi passe à table. La magie du collectif se met en place. Tout le monde se met à parler à tout le monde.

Inutile de vous dire que le plat était à tomber ! Moules, galinette, baudroie, rouille finalisée par nous-mêmes, devenus commis, et fougasse maison… Emmanuel cuisine bien, mais ça, c’était évident !

Est-ce que Poétique de la bouillabaisse est un spectacle sur cette iconique soupe ? Non. C’est une immersion participative qui suppose que nos sens de spectateurs de spectacle vivant soient décalés. Il est assez fréquent que le partage de nourriture se face sur scène. Le risotto de Amedeo Fago et Fabbrizio Beggiato en est un bon exemple. Cuisiner, partager permet de raconter les liens tissés. Ici le duo entre Emmanuel et Noémi, et puis surtout nos gestes à nous spectateurs, spectatrices actifs et actives qui nous trouvons dans une position qui nous oblige à agir.

Au-delà du bonheur et du délice, le festival pensé par Chloé Tournier permet de casser des portes blindées. Elle les ouvre à celles et ceux qui ne viendraient pas naturellement dans ce théâtre magnifique. Elle les autorise à le faire.

Le festival se poursuit jusqu’au 14 mai. Ateliers, dégustations et spectacles mêlant le tout sont au programme. À voir, du 12 au 14 : Mariage d’Hiver de Paola Berselli et Stefano Pasquini , un autre banquet, à la bougie… Et bien plus loin, la saison prochaine, notez déjà que la chorégraphe à suivre Léila Ka présentera sa nouvelle création le 16 novembre.

Visuel : affiche du spectacle

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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