Opéra
Un barbier à l’impact trop modeste pour les Arènes de Vérone

Un barbier à l’impact trop modeste pour les Arènes de Vérone

27 June 2023 | PAR Paul Fourier

Le barbier de Séville est, certes, un opéra de Rossini infiniment populaire en Italie, mais ce n’est pas, forcément, une bonne idée que de le représenter sur toutes les scènes. À Vérone, dans une mise en scène décorative, quoique trop chargée d’effets, la distribution et l’orchestre ont eu du mal à trouver leur place.

À Vérone, l’on passe parfois d’un extrême à l’autre. La veille, on avait quitté Carmen, l’opéra de Bizet, à la partition florissante, assaisonnée avec les excès assez jouissifs de la mise en scène de Franco Zeffirelli ; le lendemain, en prenant place dans les gradins, on s’interrogeait sur la pertinence de représenter ici, où règnent les Turandot, Aïda et autres Nabucco, un opéra bouffe de Rossini.

Certes, le décor représentant un élégant jardin en bosquets, d’où émergent de gigantesques roses assez esthétiques, occupe grandement la scène, mais l’on peut vite constater que l’orchestre a fondu par rapport à la veille, et que l’acoustique ne va, certainement pas, nous permettre de ressentir de grosses sensations. Par ailleurs, si leur qualité n’est pas en cause, nous restons sur des voix dimensionnées pour les élégances de la partition rossinienne et leur impact – même aidées par le dispositif d’amplification existant ici, et mieux réglé en seconde partie qu’en première – se révèle clairement insuffisant.

Les décors élégants se chargent d’occuper toute la grande scène et l’on se retrouve transportés à l’époque de Beaumarchais, par le truchement de personnages en costumes, poudrés, qui, pendant l’ouverture, engagent une chorégraphie d’automates qui, malheureusement, s’avère très vite lassante. S’ensuivra, durant toute la représentation, une répétition d’effets pseudo comiques et le procédé va se révéler être le point faible d’une soirée qui se suffirait d’un traitement théâtral moins appuyé, car Hugo de Ana en rajoute comme s’il ne faisait pas confiance au potentiel (parfois comique) du livret et de la musique.

Les interprètes se trouvent donc, contraints, en permanence, de se prêter à des mouvements outranciers. C’est notamment le cas de Marianna Mappa, en Berta dont l’heure de gloire vocale n’arrive qu’en seconde partie, et qui, si elle semble y prendre plaisir, passe son temps à effectuer de nombreuses simagrées pour amuser la galerie.

La direction d’Alessandro Bonato est de très bonne tenue. L’ouverture est particulièrement enlevée et le chef impulse une excellente rythmique pendant toute la soirée. Il n’en reste pas moins que la modestie de l’effectif de l’orchestre handicape nécessairement l’impact sur les spectateurs.

Si la distribution est quasi irréprochable, elle souffre donc du même handicap et l’on ressent une forte déception de ne pouvoir mieux apprécier le talent et les subtilités des artistes.
Dalibor Jenis nous surprend par sa capacité à se plier aux exigences rossiniennes – notamment dans le “Largo al factotum” – et s’avère être un Figaro au sens dramatique affuté, ce qui est important pour le personnage.
Un nouvelle fois, Vasilisa Berzhanskaya démontre sa totale adéquation avec ce répertoire et sa Rosina est, en tous points, extraordinaire, aussi piquante que virtuose dans la “Una voce poco fa” et étourdissante dans le “Dunque io son”.
Le temps passe sur Antonino Sigarusa, mais, à chaque nouvelle rencontre, l’on constate qu’il reste, incontestablement, l’un des meilleurs ténors rossiniens actuels. En fin de représentation, alors que nombre de ses collègues sautent l’obstacle, il ose même un “Cessa di più resistere” époustouflant.
De son côté, Carlo Lepore est un Bartolo tout aussi intègre, désopilant à souhait, alors que “La Calunnia” de Michele Pertusi – désormais un peu fatigué pour le rôle important de Basilio – paraît quelque peu laborieuse. Enfin, malgré une voix un brin acide, Marianna Mappa réussit parfaitement son air.

Tous les ingrédients de distribution et de direction d’orchestre étaient ainsi réunis pour une grande soirée. Le lieu et les excès de la mise en scène n’auront pas, malheureusement, permis de rendre totalement hommage à la géniale partition de Rossini.

Visuels : EnneviFoto

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