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Des Zébrures de Printemps entre humour et violence

Des Zébrures de Printemps entre humour et violence

28 March 2023 | PAR Julia Wahl

Les Zébrures de Printemps avaient lieu ce week-end. Ce rendez-vous des amoureux de la scène francophone propose au public des lectures de textes en langue française issus du monde entier.

Si les Zébrures d’automne proposent des textes mis en scène, celles de Printemps, plus brèves, font entendre des textes lus par des comédiens et comédiennes professionnel.les ou en formation à l’École du Théâtre de l’Union (CDN de Limoges). Au premier étage de l’Espace Noriac, à Limoges, les textes s’enchaînent et entraînent le public dans un tour du monde des textes théâtraux contemporains.

Des traductions pour dire la douleur et la violence du monde

Certains textes disent la douleur d’un monde que l’on voudrait bien rangé et qui pourtant échappe aux catégories. Ainsi en est-il de Les Vivants, les morts et le poisson frit, de Dondjaki, et de L’Obscurité, de Nick Makoha.

Dans le premier, écrit en portugais et traduit par Victor de Oliveira et Marie-Amélie Robilliard, nous nous retrouvons au Portugal, dans la file d’attente de candidat.es au titre de séjour portugais. Ce texte angolais rend compte de ce moment avec humour, en travaillant les différents portugais pratiqués par les pays lusophones, Angola et Mozambique.

Le second, traduit de l’anglais par Isabelle Famchon, nous fait quitter l’Europe pour l’Ouganda de 1979, lors de la guerre ougando-tanzanienne. Nous embarquons cette fois à bord d’un matatu, bus dans lequel montent des Ougandais et Ougandaises pressé.es de quitter la ligne de front. Plus sombre que le texte précédent, L’Obscurité rend présentes la violence et la peur de ces périodes où la mort rôde au plus près et où, surtout, les enfants deviennent adultes en un coup de fusil. Le choix, réussi, de faire entendre les paroles d’une berceuse sur l’air des Partisans de Dmitri Pokrass, participe de cette évocation d’un monde où l’enfance n’a plus cours.

Pour explorer le rôle des traductions dans l’accès à des textes africains non francophones, une table ronde a réuni les traductrices Isabelle Famchon, Marie-Amélie Robilliard, et Sika Fakambi et l’universitaire Tiphaine Samoyault (autrice de Traduction et violence, Seuil, 2020). Cet échange modéré par Laurent Muhleisen (directeur artistique de la Maison Antoine Vitez) fut l’occasion d’évoquer le rôle paradoxal des anciens pays colonisateurs dans la circulation des textes des ex-pays colonisés et la nécessité de s’en émanciper.

Intime et politique

Les questions politiques et la façon dont elles s’immiscent dans notre intimité apparaissaient dans Un instant d’éclat, de Pierrette Mondako, et Léa et la théorie des systèmes complexes, de Ian de Toffoli.

Dans Un instant d’éclat, l’écrivaine congolaise aborde les indemnités touchées par les victimes d’un sinistre et la manière dont cet argent, parfois des sommes colossales, permet aux femmes de s’émanciper de relations violentes ou déséquilibrées. Dans des monologues qui les opposent à leurs époux morts, elles assument avec délectation leur revanche. Le texte, tour à tour cruel et comique, dit la douleur d’un monde où les victimes d’hier deviennent les tortionnaires d’aujourd’hui.

Léa et la théorie des systèmes complexes, que son auteur a lui-même mis en scène, travaille le rôle des multinationales et des banques, notamment luxembourgeoises (Ian de Toffoli est luxembourgeois) dans notre société. Les longues tirades de Léa en font un texte hybride, où le narratif se dispute au dramatique.

Côtés suisse et québecois, c’est plutôt de l’espace familial qu’il est question, avec Cœurs battants, de Valentine Sergo, et Paysages à l’abandon, de Danièle LeBlanc. Tandis que le premier nous fait suivre les amours contrariées d’une interne en cardiologie et d’un étudiant antillais, le second nous conduit dans les nœuds d’une histoire familiale autour du Saint-Laurent.

Un week-end placé globalement sous le signe de la politique et de l’engagement, où la violence du monde n’empêche pas l’humour de trouver sa place.

 

Visuel : affiche du festival

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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