Danse
ONE SONG – Histoire(s) du Théâtre IV, Miet Warlop

ONE SONG – Histoire(s) du Théâtre IV, Miet Warlop

12 July 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Depuis 2018, Milo Rau, le directeur du NTgent demande à des artistes de définir leur histoire du théâtre. Il s’est prêté en premier au jeu, suivi de Faustin Linyekula, puis Angélica Liddell. Pour son Histoire(s) du théâtre, Miet Warlop nous a emmenés dans une compétition de gym… musicale qui est une allégorie du collectif et du don de soi au plateau. Sportif !

 

Milo Rau est également le fondateur du Manifeste de Gand qui compte 10 points. Le premier est : “On n’en est plus à représenter le monde. Il faut le changer. Le but n’est pas de peindre le réel, mais de rendre la représentation elle-même réelle.” C’est exactement ce que Miet Warlop fait en nous plaçant devant une scène pleine à craquer : un gradin sur lequel des supporters survoltés sont assis debout, une commentatrice à fond qui mange ses mots derrière un micro de stade, et bien évidemment des sportifs sur la ligne de départ. Là où ça devient encore plus rigolo c’est que chaque agrès est relié à un instrument de musique. Chaque danseur-musicien doit donc jouer et en même temps faire du sport. Il y a même un pom-pom boy super efficace. La compétition peut donc commencer !

Le titre  exact de l’Histoire(s) du Théâtre IV est One Song. Et là encore Miet Warlop annonce la couleur. Une seule chanson est délivrée par un interprète lancé sur un tapis roulant le plus souvent à pleine vitesse. Le texte dit :

Sauve qui peut

Avant que tu crèves

Avant que je crève

Avant qu’on crève tous

Toc, toc, toc,

Qui est là ?

C’est ton chagrin passé

Impossible

Comme au bon vieux temps Tu sais

Le chagrin c’est un rocher

Dans ta tête

C’est dur, c’est âpre C’est inexorable

C’est salé,

Je le sens à cette goutte

Qui roule sur mon nez

Le chagrin c’est une masse

Et depuis tout ce temps

Je chauffe la roche

Je façonne la roche

Je déplace la masse

Je le sens à cette goutte

Qui roule sur mon nez

Le chagrin c’est une masse

Dans ta tête

C’est dur,

C’est âpre

Métamorphose

Mûrir et muer

Le chagrin se change en raisin sucré

A cet instant précis

Alors que tous se taisent,

Le raisin éclate

Le chagrin reste un fruit

Le chagrin reste un fruit

Le chagrin reste un fruit

Le chagrin reste un fruit

Le chagrin reste un fruit

La beauté de ce texte et sa noirceur sont invisibles pendant la pièce. Il y a un boucan de tous les diables. Pendant que l’une joue du violon sur une poutre, un autre fait des abdos en jouant du violoncelle, un troisième est accroché à un espalier pour attraper un clavier et le dernier court après une batterie déconstruite. La musique apparaît rock, plutôt indé. Elle harangue la foule complice.

Quel rapport avec le théâtre ? Tout évidemment. Nous avons une unité de temps, de lieu et d’action. Un public qui regarde cette boucle se faire, cette chanson être chantée inlassablement sans que personne ne soit lésé. Le quatrième mur est aboli dans une recherche de l’adhésion du public, saisi par l’effort insensé et les prises de risques. Cela s’appelle le don de soi au plateau.

Miet Warlop adore travailler avec la musique, pour elle c’est un élément non verbal qui fait sens.

Dans One Song, il y a de la tragédie, de la générosité, de l’humour, du rythme, et tout cela ce sont les points clés de l’Histoire(s) du théâtre IV, une vision collective du spectacle. Nous ajouterons que la beauté fait partie de cet ensemble. Elle surgit dans les interstices. Quand le pom pom boy tourne sur lui même inlassablement avec un panneau “If” (si), quand la violoniste exsangue plante le violoncelle dont elle a hérité dans la poutre, cela a des allures de grands drames, et ce sont bien eux qui font les plus grandes histoires à raconter au théâtre.

 

Visuel : ONE SONG – Histoire(s) du Théâtre IV, Miet War lop, 2022 © Reinout Hiel

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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