Danse
Le bouquet de roses d’Anne Teresa De Keersmaeker à la Maison de la Danse de Lyon

Le bouquet de roses d’Anne Teresa De Keersmaeker à la Maison de la Danse de Lyon

09 November 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

La dernière pièce de la plus célèbre des chorégraphes flamandes est enfin visible en France ! Créée en pleine épidémie, et ayant souffert de nombreuses annulations, le bijou qu’est Mystery Sonatas/for Rosa arrive aujourd’hui en plein épanouissement. À voir ce soir à la Maison de la Danse de Lyon puis en mars au Châtelet à Paris.

Le mouvement du son

Cette pièce se place dans les travaux qu’Anne Teresa De Keersmaeker poursuit sur les interactions entre le son et le geste. Comme dans Fase, Love Supreme, ou Mitten wir im Leben sind les danseurs et les danseuses ne dansent pas au rythme de la musique, ils sont la musique, sans jamais l’illustrer, sans la mimer. C’est un quintet sans fausse note entre les sonates de Heinrich Ignaz Franz von Biber composées en 1676 et les sept interprètes.

Bouquet de roses

La rose est un motif central dans le travail d’Anne Teresa De Keersmaeker au point qu’elle donne comme nom à sa compagnie, créée en 1983 : Rosas. Mystery Sonatas/for rosa est une pièce qui étonne par sa durée, 2h15, ce qui est rarissime en danse, pour des raisons évidentes de fatigue des interprètes. Mais la chorégraphe aime travailler avec les limites. Celles de la durée en font partie. Cesena attendait au milieu de la nuit que le jour se lève, Somnia nous entraînait quatre heures dans une forêt. Mais les limites principales de la chorégraphe sont mathématiques. Toute sa danse est faite de lignes et de courbes qui sont toujours tracées au sol. Le “toujours” s’arrête “maintenant”, pour cette dernière création en date (avant Forêt qui arrive au Festival d’Automne le 23 novembre). En effet, nous sommes surpris de voir un grand pan de métal pensé par Minna Tiikkainen flotter, accroché aux cintres. La forme est celle d’un pétale, mais la fleur est absente. Il en reste une trace, immense. Cet objet est le support à la lumière, celui qui laisse ou non passer un soleil artificiel, celui qui décide de la nuit et du jour.

Danse baroque

Le groupe est essentiellement composé de cinq artistes mais il sera rejoint par moments plus ou moins courts par deux autres danseurs. La question du “danser ensemble” est cruciale ici. Chacun.e est à la fois inscrit.e dans le groupe et suit sa propre trajectoire. Ils et elles sont à la fois dépendants les uns des autres et totalement indépendants.

L’écriture de la pièce s’inscrit à 100% dans le corpus d’Anne Teresa. On y trouve des spirales époustouflantes (Fase… décidément), des courses qui peuvent être inversées ou latérales, des inversions des verticalités.

La musique est un chef-d’œuvre sur l’art du violon et une illustration du triomphe de la musique baroque. Ces quinze sonates retracent les mystères sacrés de la vie de Marie et Jésus. Dans sa traduction chorégraphique, ce n’est pas l’histoire religieuse qui intéresse mais la complexité musicale de la partition qui oblige les danseurs et les danseuses à tordre le rythme, à suspendre le mouvement, à s’arrêter net quand il le faut.

C’est époustouflant de beauté, de talent et de travail. À un moment du spectacle, nous les voyons un par un, chacun dans leur corporalité, presque comme dans une audition. Le résultat laisse bouche bée. La virtuosité de Sophia Dinkel est particulièrement passionnante, mais tous et toutes (Lav Crncevic, José Paulo dos Santos, Rafa Galdino, Franck Gizycki, Mariana Miranda, Mamadou Wagué) sont justes dans cette danse qui demande aux corps de s’écouter les uns les autres pour dissoner avec élégance.

Quand la rose finit par se faner, dans un solo de Mariana Miranda presque de dos, la danse appuie sur un geste qu’a inventé Trisha Brown, le Release, qui part de la hanche pour relâcher le souffle.

À la fin du voyage inouï dans cette roseraie aux espèces si rares, la douceur se diffuse dans nos corps alors que les roses se referment.

À Lyon, la pièce se donne sur une bande son enregistrée. À Paris, en mars, la musique sera jouée live sur scène, ce qui devrait ajouter encore plus de beauté à la beauté !

Informations pratiques

Du 8 au 9 novembre à la Maison de la Danse de Lyon, puis du 22 au 25 mars au Théâtre du Châtelet.

Visuel : © ATKB

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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