Danse
Mitten wir im Leben sind – Bach6Cellosuiten, Anne Teresa de Keersmaeker brille sur la scène de Philharmonie

Mitten wir im Leben sind – Bach6Cellosuiten, Anne Teresa de Keersmaeker brille sur la scène de Philharmonie

19 November 2018 | PAR Antoine Couder

Œuvre récente de la chorégraphe (2017)  à laquelle le festival d’Automne consacre un portrait, la danse minimaliste de Keersmaeker est acclamée à la Philharmonie de Paris.

VIP land/Yesterdayland. Ceux qui n’avaient pu voir de Keersmaeker à Montpellier pour cause de blessure et ceux qui voulaient en découvrir l’œuvre pour ce festival d’Automne ont mélangé leurs applaudissements pour cette seconde représentation du désormais célèbre Mitten wir im Leben sind. Traduction ?   «Au milieu de la vie» et, plus précisément, en “regardant derrière”, vers le passé. Une chorégraphie telle une esquisse d’espace-temps instable où se rencontrent Jean-Sebastien Bach et Albert Einstein, «trous» modernes de la musique presque classique où s’infiltre la danse de Keersmaeker, dans des suspensions de mouvement, des arrêts et des prises de vitesse. Danse de cour, passée au crible de la machine à inverser le temps; interruptions des notes et danse silencieuse, violoncelle seul. Plus on avance, plus les idées font système autour d’une étoile scotchée au sol, point de repère du danseur et infini géométrique resté inachevé.

Danse des morts. S’il y a un ordre caché dans cette partition remontée à la surface de sa basse par le violoncelliste Jean-Guihen Queyras c’est celui qui cherche à figer la posture dans un univers dilaté. Cette mort palpable, l’épitaphe de Pina Baush qui donne le titre de la pièce, renvoie au contexte de composition d’une œuvre marqué par la fin de la guerre de Trente Ans (10 millions de victimes entre 1618 et 1648), de ce commerce de la mort et de l’art dont témoignent des lettres de Bach se plaignant que dorénavant «trop peu de gens meurent», lui qui subsistait essentiellement en écrivant des musiques d’enterrement. Aussi la progression vers la pure joie de danser demeure sans cesse dans cet art de figer le mouvement dans» la forme de la forme», une étoile dans un carré blanc de lumière qui constitue une sorte de décor leibnizien à l’agitation des particules humaines que le spectateur contemple à la place de l’habile horloger de l’univers, Dieu lui même, celui qui souffle à l’oreille de Bach sa divine musique.

Minimalisme absolu. On guette la chorégraphe forcément (même si pendant ce temps, Marie Goudot excelle), son apparition lors de la quatrième suite en robe lamée, dessinant sans le dire un amour non plus mystique mais crûment charnel. Le corps a ses raisons que l’après-Bach finira par magnifier et qui pointe ici tel un grand inconnu. Puis vient son solo de la cinquième suite durant lequel on l’observe se glisser dans la lumière et se jouer des ténèbres qui pourtant l’environnent. Quoi de plus exact que ce balancement dans la contrainte, ultime épisode d’écrémage du vrai geste et de ce minimalisme dont se revendique bruyamment la danseuse. Certes, on adhère, encore et toujours, mais jusqu’à quand pourra-t-on soutenir l’épure dans la répétition du même, d’une œuvre qui peut être appartient au passé? Mitten wir im Leben sind, au milieu de la vie mais du côté du passé. Pour autant, ne soyons pas trop grincheux (restons impassible comme les danseurs du grand siècle) et profitons de ce Portrait généreux que nous offre le festival d’automne jusqu’à la fin de l’année. Pas sûr que l’on reverra ATDK de si tôt.

Visuel : ©Anne Van Aerschot

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Antoine Couder
Antoine Couder a publié « Fantômes de la renommée (Ghosts of Fame) », sélectionné pour le prix de la Brasserie Barbès 2018 et "Rock'n roll animal", un roman édité aux éditions de l'Harmattan en 2022. Auteur d'une biographie de Jacques Higelin ("Devenir autre", édition du Castor Astral), il est également producteur de documentaires pour la radio (France culture, RFI).

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