Performance
Music all, la société glam-crade de Capdevielle, Berrettini et Marin au T2G

Music all, la société glam-crade de Capdevielle, Berrettini et Marin au T2G

07 December 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le Festival d’Automne et le T2G accueillent Music All, la première création à trois du ventriloque Jonathan Capdevielle, du chorégraphe Marco Berrettini et de l’artiste de cabaret Jérôme Marin (Monsieur K). Une alliance barrée pour le beau et le laid, en miroir parfait du monde d’aujourd’hui.

“Le monde, je le trouve mal fait”

Tout commence sur une aire d’autoroute. Laquelle ? Toutes. Elles se ressemblent toutes. Ce tourniquet, ce portique, ce téléphone bleu et cette rangée de plantes moribondes. Déjà ça. cette idée complètement décalée de dire que ce lieu là est universel, c’est inattendu.

Nous y sommes et la première image de la pièce nous emporte et ne nous lâchera plus. Ils sont trois petites filles habillées comme aucune petite fille aujourd’hui. Jonathan en vert, Marco en rose, Jérôme en jaune. A y regarder de plus près, ce ne sont pas des robes de petites filles, ce sont des robes de poupées. Tiens, les filles sont des objets ? Nous y voici. Le premier mouvement est une dinguerie, chacun est face à son “agrès” et chacun le chauffe dans son coin. La techno italienne monte en même temps que le surréalisme de l’image qui vaut œuvre en soi. C’est déjà gore. 

L’aire d’autoroute est le lieu où tout le monde se croise sans le vouloir. C’est le lieu des pauses où l’ennui est mortel, mais il faut bien faire une pause, voir une pose ! Les petites filles ont grandi, elles sont de belles dames maintenant en robes lamées qui jouent au tourniquet, de plus en plus en vite, et en chantant toujours. Elles sont des icônes pop malgré elles, malgré le grotesque qu’elles représentent. Elles convoquent Mylène Farmer, Cher, Whitney Houston et la mère de tous, Madonna, bien sûr. Au fur et à mesure que le spectacle avance se met en place une accumulation d’apparitions (on va pas tout vous raconter) à l’incohérence assumée dans la plus pure tradition du transformisme. Des mondes aussi éloignés que ceux de Rocco Siffredi et Marguerite Duras se déplient ici pour mettre en lumière des incohérences sociétales. Le trio provoque des grands écarts intellectuels et ramène sur la scène des références qui puisent autant dans l’opéra que dans les boîtes gays les plus cheaps. 

“La musique on en a jamais fait le tour”

Ces trois artistes dont nous louons souvent le travail ici ont en commun une passion pour les chansons kitsch. Et ils ont tellement raison de placer Cher, Mylène, Whitney en oracles d’aujourd’hui, en oracles de la société du spectacle. Tiens, la formule est lâchée sur scène aussi, la “société du spectacle”. Dans cette pièce qui s’appuie à la fois sur les outils du cabaret et sur les travaux d’autres performeurs, comme Perez et Boussiron, le mélange des genres hypnotise. Tous les trois partagent la scène avec le chanteur et cascadeur Ilel Elil (qui du point de vue des mutations s’envole haut !) et du chanteur Franck Saurel, délicieusement apeuré dans cet univers qui en retirant le “h” du Music hall a mis à jour l’envers des décors, la fragilité des numéros qui ne tiennent qu’à un point de colle sur une robe. 

Il est fascinant de les voir se poser en lanceurs d’alertes qui font entendre les cris, les discours, les colères d’aujourd’hui. La pièce dénonce à coup de chansons patrimoines le racisme et le mépris de l’écologie. Les spectacles de Capdevielle, de Marin et de Berrettini ont tous en commun d’être attirés par les bas-fonds, par le sombre. La musique est malmenée, elle est souvent coupée, brouillée, remixée avec d’autres choses, sales. Music all est une pièce sale, ne vous attendez pas à un léger divertissement. Elle est plus une installation en mouvement qu’un spectacle. Elle est comme un clip, comme un zapping d’images du temps présent. Et ce temps présent, ce cabaret apocalyptique, nous donne envie d’aller relire Duras sur une aire d’autoroute, en robe lamée ou en tailleur rose, pas si bien coupés.

Informations pratiques :

Du 6 au 15 décembre au Théâtre de Gennevilliers. Toute La Culture vous offre des places pour la représentation du 11.

Visuel : ©Gregory Batardon

 

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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