Pop / Rock
[Chronique] « Nervous » de  Siskiyou : à la recherche d’une thérapie par le son

[Chronique] « Nervous » de Siskiyou : à la recherche d’une thérapie par le son

28 January 2015 | PAR Pierrick Prévert

Que reste-t-il de Siskiyou et des mélodies indie-folk, aux tonalités parfois country, de leurs deux premiers albums ? Dans Nervous, pas grand-chose. Quatre ans après Keep Away the Dead, l’album Nervous marque ici une très réussie rupture stylistique du collectif canadien hébergé par Constellation Records (Godspeed You ! Black Emperor, Ought, Thee Silver Mt. Zion…). Dès la pochette le groupe annonce la couleur, si l’on peut dire, ayant abandonné le motif de couleur sur fond blanc pour une tache noire dégoulinante, où même la signature paraît douloureuse.

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La raison principale est bien évidemment à chercher du côté de Colin Huebert, chanteur principal et co-fondateur du groupe, et de l’hyperacousie dont il souffre depuis la sortie de Keep Away the Dead, provoquant chez lui des acouphènes intenses accompagnés d’une anxiété handicapante et de crises de panique. Ce n’est qu’après une retraite dans le silence, et avoir commencé la méditation, qu’il a pu reprendre les répétitions avec le groupe en jouant à très bas volume et en explorant de nouveaux motifs musicaux – comme une forme de thérapie ? Mais la seule raison, certainement pas, car ce serait aussi oublier la qualité de la production, comme de la contribution d’invités sur cet album parmi lesquels Colin Stetson au saxophone et Owen Pallett aux cordes, les deux ayant déjà co-conspiré avec un autre groupe canadien, et pas n’importe lequel : Arcade Fire.

C’est à partir de ces expériences et de la voix plus susurrée que jamais de Colin Huebert, murmures poussés jusqu’au paroxysme dans « Jesus in the 70’s », que le groupe explore ici musicalement des contrées à peine effleurées précédemment. On a beau se souvenir des sonorités angoissantes de « This Land », sur le premier album du groupe, ou des guitares saturées du morceau « Keep Away the Dead » sur le deuxième, l’évolution musicale surprend favorablement.

Ainsi, entre l’ouverture sur « Deserter » et son inquiétante chorale suivie d’une ligne de basse très rock, ou encore le magnifique « Violent Motion Pictures », véritable clef de voûte de l’album, le groupe explore la pop, voire la chamber pop, avec les mémorables « Wasted Genius » ou « Babylonian Proclivities » aux cordes omniprésentes. C’est une promenade dans un territoire résolument plus éthéré, aux échos et saturations parfois sinistres, qui portent une forme de panique, le tout parsemé d’îlots de calme voire d’un enthousiasme désabusé (« Imbecile Thoughts »), comme à la recherche d’une échappatoire.

Siskiyou, Nervous, Constellation Records, 2015, 43 min.

Pierrick Prévert

Visuel : (c) pochette de Nervous de Siskiyou

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Pierrick Prévert

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