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[Live report] Une journée d’inauguration réussie pour la 15e édition du Solidays

[Live report] Une journée d’inauguration réussie pour la 15e édition du Solidays

29 June 2013 | PAR Bastien Stisi

solidays2013-t8z8Un record de fréquentation, un record de bénéfices pour encourager la lutte contre la transmission du VIH, une manifestation défaisant le temps de trois journées les clivages politiques et sociaux (les visages de De Gaulle d’un côté et de Hollande de l’autre sur les bandeaux entourant la grande scène Paris…), et une première journée réussie malgré la grisaille pour la 15e édition du festival Solidays.

Comme chaque année, ce sont les prestations des lauréats des Tremplins d’Ile-de-France de Paris Jeunes Talents qui inaugurent le festival, sous le chapiteau au plafond bleuté et étoilé « César Circus ». Alors que résonne sur la scène Domino le dynamisme scénique et électro pop des jeunes niçois Hyphen Hypen, portés par une chanteuse à la robe scintillante et par la richesse musicale et futuriste du tube « Baby Baby Sweet Sweet », c’est bien la bande délurée de La Femme qui valide les premières recherches de sensations des festivaliers malgré une prestation limitée à une petite demi-heure : « Ça va être court, mais La Femme va vous donner du plaisir ! » : parole tenue pour les filles et les garçons du groupe (aux cheveux parfois teinturés aux couleurs du Solidays), qui parviennent, en déballant les tubes de leur premier album (« Amour dans le Motu », « Hypsoline », « Si un Jour »,  « Sur la Planche »…) avec une conviction et une maîtrise admirable, à injecter à la foule un premier orgasme fait d’arrangements yéyé, pop, rock et new wave.

https://soundcloud.com/3rd-side-records/la-femme-sur-la-planche

Puisque Clémence Quélennec et ses turbulents troubadours nous invitent , en guise de conclusion, à éviter au maximum la dangerosité du taxi (« Anti Taxi »), nous voilà partis, les jambes bien échauffées, vers le Dôme où se produisent les français de Poni Hoax, vecteurs d’un rock inflammable et anobli jamais plus efficace que lorsqu’il accompagne la lourdeur des guitares et des batteries par une nappe d’électro dévastatrice. On tape des pieds, on hoche la tête, on ressent les vibrations martiales et rockeuses du dernier album du groupe,  A State of War, et on engloutira bientôt pour se requinquer une tortilla mexicaine (avec du poulet et plein de légumes épicés dedans) en écoutant le show ragga, dance hall, fracassant et trémoussant des piliers du reggae français Dub Inc.

https://soundcloud.com/frederic-soulard/antibodies-poni-hoax

Alors que les membres de La Femme et Sam Lefèvre (bassiste et percussionniste du groupe), le sentiment (légitime) du devoir accompli, nous confient leur bonheur d’avoir eu la chance de participer à un festival aussi prestigieux, la foule se précipite vers le Dôme où est sur le point de se produire l’émérite représentant du label Ed Banger Breakbot, qui à l’image du Christ (avec sa barbe et ses cheveux longs, il y a vraiment quelque chose…), fera don de son corps et (de son son) au public en transformant l’espace d’une petite heure le Dôme en une véritable cathédrale surchauffée entièrement dédiée à la célébration des sonorités électro disco et funk projetées dans les cieux par l’irrésistible auteur des délicatement sucrés « Fantasy », « Baby I’m Yours » et « Programme ».

https://soundcloud.com/edbangerrecords/breakbot-baby-im-yours-feat

Changement radical de programme et d’ambiance avec l’apparition une heure plus tard, sur la grande scène Paris, des grandiloquents britanniques de Bloc Party, menés par le chanteur Kele et par un électro rock tout terrain gonflé par des amphétamines qui fera rugir le (jeune) public venu se brasser sur le devant de la fosse, les sens en furie et les corps projetés par de virulents pogos mal orchestrés, malgré la relative faiblesse d’un show sans surprise et lassant. Quelques sabordages de leurs propres morceaux (l’inaudible « One More Chance »), beaucoup de bruits pour pas grand chose, et quelques tubes sacrément bien assemblés, tout de même (le conquérant « Banquet », la belle énergie de « This Modern Love »…)

https://soundcloud.com/ras-fernando-4/bloc-party-banquet-single

Échappés du fracas grandiloquent du quatuor britannique et à la poursuite d’un anticonformisme comportemental et sonore qu’il convient définitivement de chercher ailleurs, nous voilà dans la plaine verdoyante de la scène « Bagatelle » aux côtés de l’écorché et insoumis Damien Saez. Le ciel devient sombre, le sensible Damien introduit sa performance par l’interprétation a capela des « Anarchitectures », il pleuviote sur les visages des festivaliers comme dans la voix d’un artiste qui agrémentera son refus du normé (« Pilule », Cigarette »),  sa révolte rafraîchissante (« Fils de France », « J’accuse »)  et le lyrisme torturé de ses compositions (« Voici la Mort », « Marie ») d’une puissance rock inattendue et parfaitement convaincante. Saez tripote sa guitare, bousille ses cordes vocales, fait des grands gestes de la main en guise de protestation, accuse une société de consommation contre laquelle il ne semble décidément pas prêt d’arrêter la lutte. Il accuse aussi, peut-être, le public de s’éloigner de sa scène bien avant la fin de son (très bon) concert, pressée par l’arrivée imminente des C2C sur l’immense scène Paris…

https://soundcloud.com/papillonsdenuit/damien-saez-j-accuse

Tête d’affiche centrale de la journée et apogée scénique incontestable de la soirée, le quatuor nantais, showmen novateurs passés maîtres dans l’art de l’émulation permanente avec le public, offriront aux festivaliers une grosse heure de scratch épidermique balancés sur des samples aussi hybrides que décapants, déstructurés et alimentés à merveille. Le blues beatnik de « Down the Road », l’héroïsme et les changements de rythmes de « Arcades », la sensualité et les déhanchements de « Delta », le groove hip hop de « Someday » et de « The Beat » : folie furieuse pour une foule comblée, accumulation des affolants tubes de Tetra, brillants bijoux auxquels l’intervention de quelques musiciens à cuivres sur scène viendront ajouter une touche délicieusement jazzy, comme sur le concluant remixe du « I Wanna be a Cat » des Aristochats.

https://soundcloud.com/elyesben/c2c-arcades-official

Afin de rappeler au public qu’ils étaient repassés il y a quelques semaines sur le « Mojo » de Mathieu Chedid, on retrouvera les brillants scratcheurs au cours de la « Mojo Party » organisée par M, qui les verra défiler lors de l’interprétation à rallonge du superbe « Machistador » aux côtés de l’homme aux lunettes scintillantes, de la chanteuse Izia ainsi que du mythique MC Solaar, l’un des parrains d’un festival que l’on conclura de la plus organique des manières en s’élançant aux côtés de l’électro vagabonde et exubérante des 2manyDjs, binôme fraternel et expert absolu dans l’art d’associer leurs propres compositions avec le gratin le plus jouissif de la scène électro mondiale.

Les célébrations de la 15e édition du Solidays se poursuivent aujourd’hui et demain, et vous pouvez retrouver toute sa programmation d’exception sur le site officiel du festival. Ce qui tombe bien, puisque l’on est déjà aujourd’hui.

Visuel © : affiche du Solidays

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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