[Critique] “Jumpman”, drame sobre aux thèmes vastes
Signé par le réalisateur russe de Zoologie et de Classe à part, ce film lauréat de l’Atlas d’or à l’Arras Film Festival 2018 vaut pour sa mise en scène, ses interprètes et sa finesse de point de vue. A voir à Paris le 4 décembre.
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En offrant aux spectateurs cette peinture sociale et dramatique qu’est Jumpman, le réalisateur russe Ivan I. Tverdovsky (très remarqué pour Classe à part, puis Zoologie) livre un film aux thèmes nombreux, et en aucun cas soulignés à outrance.
La bonne distance adoptée par la mise en scène, et le remarquable jeu de tous les acteurs, donnent tout son prix à l’univers décrit. Un monde sombre et triste mais néanmoins humain, où chacun pourra se promener et trouver des résonances… Récompensé par l’Atlas d’or à l’Arras Film Festival 2018, décerné par un jury présidé par Emmanuel Finkiel, Jumpman est projeté le mardi 4 décembre au cinéma Christine 21 à Paris, dans le cadre de la reprise des films récompensés au Festival 2018, en partenariat avec French Mania. En attendant sa sortie dans les salles françaises, on espère…
Vies palpitantes et dangereuses
Le film suit Den (joué par l’énergique Denis Vlassenko), jeune homme confié dès sa naissance par sa jeune mère à un orphelinat, situé à côté d’une forêt. Den qui, devenu adolescent, désire mieux connaître sa mère et passer au moins quelques jours chez elle. Lorsqu’elle lui fait une visite, pour en réalité le reprendre avec lui, il saisit l’occasion malgré le désaccord de l’établissement. Charismatique mais instable, humaine mais plongée dans une faune nocturne sombre et dangereuse, Oksana (Anna Sliou) va offrir à son fils une vie palpitante mais dangereuse.
Regardés avec pas mal de distance, au fil de scènes nimbées d’une lumière noire qui savent ne pas se précipiter, ces protagonistes gardent tout leur mystère. Oksana est ce qu’elle est, se débrouille comme elle peut, et tente de prendre un peu de plaisir dans son existence. Den a les mêmes objectifs, et une qualité étrange qui l’aide à les réaliser : il ressent peu la douleur physique. Ce qui amène un ami de sa mère à lui confier un travail inattendu… Le réalisateur se garde bien, en tout cas, d’expliquer de quoi est faite cette particularité de son héros, et de faire de lui un symbole démonstratif : il préfère s’attacher à son enthousiasme, puis à sa lassitude.
Car les personnages de Jumpman ne sont désespérés : ils prennent ce qu’ils peuvent prendre dans l’existence, et s’en réjouissent. Ce qui rend peut-être leur situation pire que si elle les attristait : ainsi, la dernière scène suggère que les “mères russes” (la Russie elle-même ?) envoient leurs enfants au charbon, au sacrifice, gangrenées qu’elles sont par un contexte qui les prive en fait de leurs repères.
Ce mélange entre noirceur et allant donne naissance à une énergie très forte, qui court dans le film et se révèle très communicative : on vibre aux côtés de ce jeune héros enthousiaste, en plein dans la vie que sa mère lui offre, dangereuse mais stimulante pour lui. On s’attache, un tout petit peu, aux menaçants amis de cette génitrice, qui n’en restent pas moins humains, car magnifiquement interprétés. Et on est troublé en plus d’un endroit : la différence d’âge peu importante entre la mère et son fils, leurs rapports, les réactions des “amis” dès qu’un plan ne fonctionne pas ou quelques scènes de procès brillantes sont autant d’instants où le malaise surgit. Malgré quelques séquences plus modestes, ou un tout petit peu explicatives, Jumpman s’impose comme une réussite, très humaine.
Ce film lauréat de l’Atlas d’or à l’Arras Film Festival 2018 est projeté le mardi 4 décembre au cinéma Christine 21 à Paris. A voir également dans le même cadre : The eternal road.
Les autres dates de projection dans les salles partenaires en région, dans le cadre de l’Arras Film Festival Off : https://bit.ly/2Sz2kOn
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Visuel : Jumpman © New People Film Company / Tremora / Arizona Productions