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[Festival Biarritz Amérique latine] Dernières impressions avant le palmarès

[Festival Biarritz Amérique latine] Dernières impressions avant le palmarès

03 October 2015 | PAR Olivia Leboyer

Cette sélection 2015 du Festival Amérique latine nous a frappés par sa grande qualité : nous avions déjà découvert certains films à Berlin et à Cannes, nous en avons vu six à Biarritz depuis jeudi, tous excellents. Petit panorama de nos impressions.

Monstruo

Hier, le film mexicain de Rodrigo Pla, Un monstruo de mil cabezas (Un monstre à mille têtes) nous a tenus en haleine : en 1h10 très dense, nous suivons Sonia Bonet (remarquable Jana Raluy, qui mérite un prix d’interprétation, tout comme Dolores Fonzi dans le beau Paulina) dans sa folle équipée contre sa compagnie d’assurance, qui a rejeté la demande de traitement pour son mari mourant. Dans ce huis-clos étouffant, on passe d’une pièce à l’autre : hall d’attente de l’hôpital, parkings, salons de maisons chic, sauna, hall d’immeuble… Dans chaque espace, Sonia envoie sa rage, sa force de conviction, face à des personnes indifférentes, rouages d’un système déshumanisé. Car les médiateurs de la compagnie d’assurance touchent une belle prime en rejetant les demandes de soin. Sonia présente bien : blanche, bien habillée, élancée. Si la silhouette conserve une certaine jeunesse, le regard poché dit l’épuisement et le chagrin. « -Tu cries plus fort, mais je l’aime autant que toi. » lui lance soudain son fils adolescent, témoin impuissant de l’emballement de violence de sa mère. Un très beau film, saisissant et sobre.
Note de la rédaction : [rating=4]

desde-alla-3

Autre choc avec Desde alla de Lorenzo Vigas (De loin), le Lion d’or de la Mostra de Venise, également en compétition ici. Le film étonne par ses parti-pris de mise en scène, fondée sur la distanciation. Un personnage de dos, qui en observe un autre. Car Armando, beau quinquagénaire, ne peut aimer que de loin, en voyeur. Un beau jour, il s’éprend d’un tout jeune homme, qui commence par lui résister. On pense un peu au Violence et Passion de Visconti. Une histoire de désirs à contretemps, de jeux de regards, pleine d’ellipse et de non dits. L’acteur Alfredo Castro est extraordinaire.
Note de la rédaction : [rating=4]

Dictadura

Le soir, nous avons changé de registre, avec La Dictadura perfecta de Luis Estrada (troisième volet d’une trilogie), une satire politique féroce et débridée qui a connu un énorme succès au Mexique. Avons-nous ri ? Oui, car Luis Estrada ne recule devant aucune énormité, dénonçant à tour de bras les politiciens véreux, la collusion avec des médias narcissiques et cupides, le sensationnalisme, en une ronde folle. Tout part d’une bourde du Président de la République, qui ne peut ouvrir la bouche sans déraper… Pour faire diversion, les médias, particulièrement retors, mettent en scène un autre scoop : un gouverneur corrompu, en cheville avec des narco-trafiquants. Mais le gouverneur en question a plein d’autres idées ingénieuses et chacun y va de son scénario-catastrophe pour faire monter l’audience, éliminer (au sens propre) quelques adversaires et préparer les prochaines élections. Dans ce milieu politique à l’aise dans ses magouilles, la pire insulte : « – C’est une sorte de Messie un peu cinglé, tu vois, obsédé par des trucs comme la démocratie, l’égalité, la justice… ». Le film est trop long (140 minutes) et ne fait pas dans la dentelle, mais le rythme est solide, les personnages assez désopilants et les répliques sonnent bien.
Note de la rédaction : [rating=3]

La soirée s’est terminée au Village du Festival, avec un délicieux cocktail de spécialités latino-américaines (empanadas, tortillas, tapas), au son de l’orchestre colombien Ocho y Media.

Une idée du palmarès ? Avec une sélection aussi exigeante, le choix n’est pas évident (le jury est présidé par l’écrivain argentin Alan Pauls: Histoire des larmes, Histoire des cheveux, Histoire de l’argent ). Nous avons vraiment aimé Aspirantes de Ives Rosenfeld (voir notre critique) et Desde alla de Lorenzo Vigas. Coup de cœur pour Le Ciel du Centaure de Hugo Santiago, poétique, personnel et drôle (voir notre critique). A Cannes, TLC avait également adoré Paulina, de l’Argentin Santiago Mitre (voir notre critique). Nous avions repéré à Un Certain Regard, le film  colombien Alias Maria de José Luis Ruelles Garcia (voir notre critique), qui pourrait obtenir un prix. Ainsi que El Abrazo de la serpiente de Ciro Guerra primé à la Quinzaine et présenté ici en avant-première (voir notre critique). Et à Berlin, Ixcanul de Jayro Bustamante, en compétition à Biarritz également, nous avait beaucoup touchés (voir notre critique). Le Prix du Public devrait revenir au film péruvien Magallanes de Salvador del Solar, une histoire de rédemption très applaudie, que nous avons trouvée trop mélodramatique et appuyée.

Dans la sélection des documentaires (présidée cette année par Laure Adler), nous avions vu et adoré à Berlin El Boton de nacar de Patricio Guzman (qui avait remporté l’ours d’argent: voir notre critique). La Once de la Chilienne Maite Alberdi, confidences vivantes et bouleversantes de vieilles dames autour de tasses de thé, a également de très bons échos.

Rendez-vous ce soir pour les résultats et merci à Raphaëlle Monnoyer et Lucile de Calan pour leur sélection si judicieuse.

visuels: photos officielles des films; affiche officielle du Festival.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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