[Festival Biarritz Amérique latine]”Le ciel du Centaure”, beau film bizarre et doux de Hugo Santiago
Les films de Hugo Santiago, grand cinéaste argentin (Les Autres, Les trottoirs de Saturne) sont d’ordinaire plutôt noirs et terribles. Celui-ci, petite fantaisie libre et farfelue dans un Buenos Aires de rêve, séduit immanquablement.
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Ce Ciel du Centaure a la consistance des rêves, tantôt brumeuse tantôt tout en arêtes vives. Dans ce Buenos Aires du souvenir, tout est légèrement déformé, jusqu’aux couleurs, un noir et blanc avec quelques touches rouge ou jaune.
Nous suivons Malik Zidi, jeune ingénieur arrivé par bateau pour remettre, de la part de son père, un petit paquet lie-de-vin à un certain Victor Zagros. « C’est un beau nom, ça n’a pas l’air vrai », dit-il à un moment. Les faux-semblants règnent ici, puisque le jeune homme va se trouver embarqué par une bande de faussaires branquignoles, eux aussi à la recherche de Zagros. Mais pourquoi ? Les uns courent après un mystérieux Phénix, qui peut avoir n’importe quelle forme, tandis que d’autres cherchent assidûment Victor Zagros parce qu’ils l’aiment. Malik Zidi, lui, rencontre une belle jeune femme, Elisa, au Museum d’Histoire naturelle. « Le ciel est intraitable, je préfère vous regarder, vous » lui lance-t-il tout à trac.
Dans une scène captivante, Elisa raconte au jeune ingénieur l’itinéraire du peintre Candido Lopez : devenu manchot à la guerre, il a peint des tableaux très singuliers, où la guerre apparaît, non pas brutale et sanglante, mais placide, heureuse et belle. Les soldats ressemblent à des soldats de plomb miniature, où chaque bouton d’uniforme serait parfaitement peint, les visages sont sereins, apaisés. Cette guerre rêvée, représentée à distance, comme d’en haut, est un espace hors de la réalité, préservé.
L’émotion qui se lit alors sur le visage de Malik Zidi, nous la ressentons aussi. Dans cette histoire de fous, on croise des flamants roses, des silhouettes de film noir, noires ou blanches, des femmes fatales et des jeux de toutes sortes. La musique est de toute beauté. Chacun cherche son phénix, graal flamboyant ou lubie bizarre. Mais, entre deux points, doit-on toujours emprunter le chemin le plus court, ou bien, comme le préconisait le poète André Hardelet, le plus long ? Quand on relie des points, trouve-t-on un sens quelconque ?
Ce film curieux, plein d’esprit et de folie, nous tient sous son charme.
Le ciel du Centaure (El cielo del Centauro), de Hugo Santiago, Argentine, 93 minutes, avec Malik Zidi, Romina Paula, Alain Koussom. Festival de Biarritz 2015, en compétition.
visuels: photo officielle du film; affiche officielle du festival.