[Critique] du film « Gangsterdam » avec Kev Adams : comédie moyenne, polémique artificielle
Romain Lévy (Radiostars) revient avec une nouvelle comédie pensée à la gloire de Kev Adams (Fiston, Les profs 2, Les nouvelles aventures d’Aladin, Amis Publics). Gangsterdam souffre d’un scénario faiblard et d’un acteur principal transparent mais ne mérite pas (totalement) sa réputation de “film abominable” lancée à grands renforts de polémiques par 20 minutes, Le Huffington Post ou Le Figaro.
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Extrait du synopsis officiel : Ruben, Durex et Nora sont tous les trois étudiants en dernière année de fac. Par manque de confiance en lui, Ruben a déjà raté une fois ses examens. Même problème avec Nora, à qui il n’ose avouer ses sentiments. Et ce n’est pas Durex son ami d’enfance, le type le plus gênant au monde, qui va l’aider…Lorsqu’il découvre que Nora est aussi dealeuse et qu’elle part pour Amsterdam afin de ramener un tout nouveau type de drogue, Ruben prend son courage à deux mains et décide de l’accompagner.
Kev Adams (Fiston, Les Profs 1 et 2, Les nouvelles aventures d’Aladin) est devenu en quelques années une des grandes valeurs sûres du cinéma français, enchaînant les succès populaires et réussissant à attirer des ados habituellement plus enclins à dévorer du blockbuster américain. Le comédien M6 a connu son premier semi-échec avec Amis Publics (moins d’un million d’entrées) et le démarrage catastrophique de Gangsterdam mercredi (50.000 spectateurs seulement malgré de très nombreuses avant-premières) confirme la désaffection de son public. La nouvelle comédie de Romain Lévy n’est d’ailleurs objectivement pas très réussie, malgré le second rôle assez croustillant de Côme Lévin qui vole la vedette à ses partenaires.
La sortie du film a pourtant souffert d’une toute autre polémique, celle-là plus contestable, lui prêtant un discours raciste, antisémite, homophobe, misogyne, et faisant l’apologie du viol. 20 minutes en a fait sa Une avec un édito au vitriol demandant son interdiction en salles aux plus jeunes. Le Huffington Post en a remis une couche en décortiquant les scènes citées par le quotidien gratuit avec une certaine mauvaise foi. Alors que Le Figaro se faisait un malin plaisir de reprendre les meilleurs extraits des critiques acerbes des collègues. Les critiques formulées sont sérieuses et ne doivent être balayées du revers de la main (on ne va pas se plaindre pour une fois que la critique cinéma s’intéresse aux représentations véhiculées directement ou indirectement par un long-métrage à vocation populaire !). Gangsterdam est pour partie victime du syndrome “Qu’est-ce-qu-on a fait au bon Dieu” qui avait lui aussi été taxé, à tort, de véhiculer des clichés racistes alors qu’il les désamorçait systématiquement (avec plus ou moins d’adresse c’est vrai). Un précédent rappelant d’autres polémiques suivant les sorties de Case Départ, des Invités de mon père ou de celle lancée avant même le tournage d’A bras ouverts qui sort la semaine prochaine. La représentation de la diversité dans le cinéma français est un sujet passionnant (dont nous vous avions parlé ici et ici dans deux dossiers) qui mérite mieux que des raccourcis et des a-priori. Et Gangsterdam n’est pas forcément la bonne cible.
Le trio de personnage principaux intègre une jeune femme présentée comme d’origine maghrébine, un héros présenté comme juif et son meilleur ami présenté comme homosexuel. La caractérisation des trois personnages n’est en aucun cas réduite à ces trois facteurs et est d’ailleurs largement moins stéréotypée que le tout-venant des productions françaises. Ruben est avant tout un timide romantique qui manque de confiance en lui, Nora, une jeune femme indépendante au fort caractère et Durex un geek étrange avec des pulsions psychopathes. L’homosexualité de Durex est abordée de manière plutôt fouillée: ses discours homophobes montrent ses propres questionnements identitaires, sa notion de “viol cool” n’est là que pour faire semblant d’être hétérosexuel et Kev Adams accepte plutôt bien que son meilleur ami soit un peu amoureux de lui. Les répliques citées par 20 minutes sont prononcées par ce dernier personnage qui est présenté dès le début du film comme raciste, homophobe, sexiste et antisémite. Et dont les propos sont systématiquement condamnés par les deux autres protagonistes, qui rappellent clairement la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
La critique semble être passée à côté d’une nouvelle génération de comédies françaises qui jouent à fond la carte des blagues communautaires (au sens large). Et oublie surtout que Gangsterdam propose justement des personnages principaux plus divers et moins stéréotypés que la plupart des produits similaires. La question de l’apologie du viol et du “revenge porn” est plus sérieuse, alors que les ados des années 2010 tiennent parfois des discours effarants sur ces questions. C’est la critique la plus légitime contre le film qui rend effectivement “rigolo” le fait de forcer une relation sexuelle et de la filmer pour faire chanter un adversaire. Ce qui est éminemment condamnable, notamment dans une grosse production ciblant un public jeune.
Gangsterdam, une comédie d’action de Romain Levy avec Kev Adams, Manon Azem, Côme Levin, durée 1h40, sortie le 29 mars 2017