Pop / Rock
[Live report] Fuzz, Timber Timbre, Girl Band & Ratatat à La Route du Rock

[Live report] Fuzz, Timber Timbre, Girl Band & Ratatat à La Route du Rock

15 August 2015 | PAR Bastien Stisi

Après une première journée inaugurale dans l’intimité de La Nouvelle Vague, où se déroulaient la veille les concerts remarquables et remarqués de Sun Kil Moon et de The Notwist, La Route du Rock prenait hier la direction d’un Fort de Saint-Père aux terrains rendus (presque tous) praticables et où les deux scènes se font désormais face. Et ces terrains nouveaux, on a décidé d’en tester la résistance de manière immédiate…

Forever Pavot, Wand : camé et psyché

D’abord, invité craint mais quasiment attachant, la pluie est évidemment conviée à cette première véritable journée de festival. Maligne, elle avait déjà fait déplacer quelques heures plus tôt le concert psyché, volatile et ensorcelé du Français Forever Pavot, que l’on transférera ainsi de la plage à La Nouvelle Vague. Pour ne pas décevoir ceux qui avaient prévu de jouer les oisifs devant le live de cet ambassadeur d’hier débarqué dans le monde d’aujourd’hui (Rhaspode, son premier album sorti chez Born Bad Records, n’est composé qu’avec des instruments profondément datés), on a d’ailleurs emmené les transats de la plage jusqu’ici. Beaucoup sont ainsi allongés, ce qui n’empêchera personne de se lever afin de saluer comme il se doit la performance excellente et appliquée d’un projet qui doit autant au free jazz ou au rock psyché qu’à la pop analogique (on pense à Bertrand Burgalat, à John Carpenter, à Aquaserge, à Moodoïd, à Turzi).

Cette pluie fine mais présente, qui cessera toutefois de tomber dans les alentours de 21 heures (les bottes et les k-ways demeurent tout de même de précieux alliés), on la retrouve donc évidemment du côté du Fort de Saint Père, où quelques flaques ont, malgré les aménagements, fait leur apparition sur la Scène des Remparts (la plus petite scène des deux). Et c’est d’abord à Wand, trio garage californien (les deux termes sont facilement associables) que l’on demande de venir tester la résistance des sols. Passé en une année du rock psyché (Ganglion Reef) au garage plus sonique (Golem), le trio fera le boulot après un début un peu timoré, mais souffrira forcément de la comparaison avec le live, déglingué et noisy, proposé plus tard par le nouveau projet de celui auquel ils sont intimement liés (comme tous les groupes actuels de garage californiens, finalement…)


Ty Segall, Thurston Moore : légendes en scène

Parrain du genre, Ty Segall prouvera ainsi une nouvelle fois un peu plus tard et sur la Scène du Fort (la plus grande) toute l’étendue de son talent sauvage et animal, en proposant avec l’aide de son projet Fuzz (il le mène, en se chargeant de la batterie, avec Charlie Moothart et Chad Ubovich) le live le plus acéré de cette seconde journée de festival. Assourdissant, bruitiste et théâtrale, la performance de Fuzz évoque une fusion référencée entre Led Zeppelin (les cheveux longs et frisés), Kiss (les maquillages horrifiques) et Black Sabbath (les guitares lourdes), freaks under control gueulards (par le chant comme par les guitares) et effroyablement efficaces.

Le sol tient toujours. Il tiendra jusqu’au bout, et malgré, notamment, les assauts donnés plus tôt par les nostalgiques les plus vigoureux de feu Sonic Youth (ils sont nombreux), l’un des groupes new yorkais les plus influents de sa génération (The Velvet Underground, Sonic Youth, The Strokes : à chacun son époque) venus voir la légende vivante Thurston Moore raviver les feux d’une révolte forcément moins accentuée qu’hier. Démarqué un temps des préoccupations noisy et bruitistes d’hier (son premier album solo Demolished Thoughts, avait entrepris un virage folk inattendu), Thurston Moore, entouré de son band (Steve Shelley à la batterie, James Sedwards à la guitare, Debbie Googe de My Bloody Valentine à la basse) est toutefois revenu l’an passé avec un album électrique et tendu plus fidèle à ce qu’il était hier, The Best Days (« The Best Days », « Speak To The Wild », « Detonation »), un album justement défendu hier avec une belle énergie et un talent, bien sûr, toujours intact.

Juste après le live raté d’Algiers (sur la Scène des Remparts, le chanteur gesticule davantage à lui tout seul que le public tout entier réuni…), c’est au sein des rêveries ambigües et tourmentées de Taylor Kirk, de Timber Timbre et du dernier album du groupe Hot Dreams que La Route du Rock se trouve invitée à pénétrer. Alors, des lumières rouges envahissent la scène, et une fumée épaisse quoique discrète s’échappe des sols. Kirk et ses compères, grâce à l’astucieuse scénographie, sont pareils à ces ombres qui apparaissent au recoin d’un rêve pas trop solide et pas trop rassurant, lorsque l’esprit est confronté à l’hésitation ultime entre la possibilité d’un fantasme ou celle d’une réalité.

Épidermique Girl Band, magnifique Ratatat

Et puis, alors que l’on finira, malgré l’angoisse viscérale qui s’en dégage (on dit pourtant que le dernier album des Canadiens s’avère plus lumineux que les précédents…), à s’habituer à ces songes hantés et préoccupés investis au sein du live (parfait) du groupe, on sera brusquement confronté à une réalité toute autre en se frottant à la prose potache, aux galipettes punk et aux accents raveurs de Girl Band (un quatuor de garçons irlandais, comme leur nom ne l’indique pas), véritable feu d’artifice bruitiste et déchainé de cette fin de soirée qui fera vaciller un public très vite réceptif (dans la boue pour les plus punks), liaison parfaite et indocile entre The Fall, Liars et Inca Babies. Divagations power punk de deux minutes ou destructions organisées plus prolongées : l’un des tous meilleurs lives de ce début de festival.

Enfin, et avant le live du Français Rone, déjà souvent vu en festival au cours des dernières semaines (Chorus, Printemps de Bourges, Solidays, Fnac Live…), venu présenter ses Creatures en guise de dégustation électronique de cette fin de nuit, le duo Ratatat (Mike Stroud et Evan Mast) viendront confirmer ce que l’objet en question et son titre évocateur indiquaient déjà : Magnifique, le dernier album du tandem new yorkais qui remet la guitare kitschouille au centre des préoccupations, est bel et bien aussi Magnifique qu’il le prétend, qu’on le considère donc dans le cadre de l’écoute studio ou dans celle de l’écoute live. Alors, bien sûr, on entendra des instants, épiques et grandioses, issus de ce dernier album (« Magnifique », « Abrasive », « Cream On Chrome »…), mais aussi d’autres issus de la discographie passée du groupe (« Mirando », « Party with Children », « Shempi », « Loud Pipes »). Tous fonctionneront, et donneront l’envie, évidente, de se projeter, déjà, au sein du programme de cette troisième journée de festival qui accueillera, en tête d’affiche centrale et à la place de la défectueuse Björk, les Britanniques de Foals, qui viendront présenter au public de Saint-Malo leur quatrième album studio.

La programmation complète de La Route du Rock est à retrouver par ici.

Visuels : (c) YBouh

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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