
“Room with a view” : Vue plongeante sur la fin du monde par Rone et (La) Horde au Théâtre du Châtelet
Longue standing ovation pour les Danseurs du Ballet national de Marseille, (La) Horde et Rone après la première de leur pièce très attendue, inspirée par l’auteur de science-fiction, Alain Damasio : Room with a view. Un spectacle post-apocalyptique d’une beauté et d’une vitalité inouïes, où la chorégraphie et la musique fusionnent en un carnaval d’émotion bouleversantes.
Rodolphe Pete et Yaël Hirsch
Quelque part aux confins du monde, à bord d’un drone où d’un dernier espace lunaire habitable, installé tout en hauteur, au-dessus d’un éboulis de pierres blanches, Rone déroule son live en veste et de dos et une danseuse est déjà en transe. Elle est rejointe par un couple qui s’attache et se bouscule au-dessus du vide puis par d’autres danseurs. Le spectacle commence 30 minutes avant son début sous la lumière chaude du plafond du théâtre du Châtelet… Et le public qui s’installe fait partie de la performance… La salle est comble (et le refus de voir le fantôme du Coronavirus assombrir cette première parisienne est à tout moment présent), la lumière se tamise et c’est quasiment dans le noir que le live prend une nouvelle dimension pour un foule de fêtards habillés comme des héros de science-fiction et qui se trouvent être des danseurs du Ballet national de Marseille. La fête un peu froide se termine quand le décor s’effondre (superbe scénographie de Julien Peissel) et c’est une fois Rone face à nous, à la même hauteur et les danseurs autour de lui se reconstituant en corps vivant derrière les mouvements d’un premier d’entre eux, blond, habité de spasmes contagieux.
Les survivants dansent et le spectacle nous emporte. Le rythme est lancinant, la majorité des danseurs avance très lentement en phalanges vers nous, tandis que par 2 ou 4, des dissidents se tordent, se dévorent ou se sautent par-dessus. Il y a là quelque chose d’à la fois organique, menaçant mais aussi chaleureux et ludique, quand un trio danse une bacchanale sur une variation pour clavecin, doigt d’honneur délicatement en l’air. En complicité et en osmose avec Rone qui fait figure de chef de coryphée, (La) Horde exprime bien à la fois “les mouvements souterrains, haineux, comme amoureux, qui nous agitent”. Formant une masse de vie grouillante, les corps parlent, s’élancent vers le devant de la scène au rythme feu d’artifice des machines, semblant vouloir lancer leur rébellion comme autant de grenade. La masse grouille, grimace, avance, recule et puis après avoir battu sa coulpe et le rythme jusqu’à ce que tous les cous et les poitrines soient rouges écarlates, dans un final stellaire : elle chante. Oui, les danseurs chantent en rythme avec la musique de Rone, en nage, radieux, un hymne à la vie, au corps libre qui reprend ses droit et exige un monde nouveau.
L’on sort du spectacle exultant, des fourmis dans les membres et le souffle coupé de beauté. Un spectacle à voir absolument (réservation) du 5 au 14 mars au Théâtre du Châtelet et qui tournera ensuite : Room with a view est au programme notamment des Nuits de Fourvières.
A ne pas manquer non plus ce week-end des 7 et 8 mars : l’Occupation du Châtelet par le collectif, qui y invite notamment Extinction-rebellion, Wild Legal France, Nature Rights, On est prêt, Gang de sorcières, la réalisatrice Cécile Faulhaber, le chamane Miguelone Develay et Art en Grève pour des conférences et des ateliers.
Dernière note : l’album Room with a view de Rone sortira chez son label, In Finé.
Ballet national de Marseille / Danseurs : Sarah Abicht , Daniel Alwell , Mathieu Aribot , Malgorzata Czajowska , Clara Davidson , Myrto Georgiadi , Vito Giotta , Nathan Gombert , Nonoka Kato , Kelly Keesing , Yoshiko Kinoshita , Angel Martinez Hernandez , Filippo Nannucci , Tomer Pistiner , Aya Sato , Dovydas Strimaitis , Elena Valls Garcia , Nahimana Vandenbussche
visuels : 1 & 2 (c) Arnaud Bertereau/ 3 : (c) Aude Arago