Théâtre
Maxime Kurvers met les acteurs en scène à La Commune

Maxime Kurvers met les acteurs en scène à La Commune

07 May 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

La première aurait dû avoir lieu le 4 novembre 2020, mais le second confinement a empêché la pièce fleuve, quatre fois deux heures, de voir le jour. C’est finalement le 7 mai que les programmes du Festival d’Automne ont été distribués et que, dans la Commune occupée, l’histoire du théâtre a pu être merveilleusement racontée.

Occuper et jouer

C’est donc devant les occupants de la Commune et devant les professionnels que le metteur en scène proposait l’intégralité de son spectacle Théories et pratiques du jeu d’acteur (1428-2020). Une bibliothèque vivante pour l’art de l’acteur-chapitres 1 à 28. À projet fleuve, titre fleuve mais titre clair ! C’est cela que fait Kurvers, dans les corps et les voix de Evelyne Didi, Camille Duquesne, Julien Geffroy, Michèle Gurtner, Mamadou M Boh, Caroline Menon-Bertheux et Yoshi Oida : raconter, transmettre de façon thématique l’histoire de l’art de l’acteur.

Discours de la méthode

Le procédé scénographique est emprunté à Jérôme Bel dont Maxime Kurvers fut l’assistant. Comme son maître, il dresse des portraits d’artistes, leur donne la parole dans un espace vide prêt à être rempli de corps et de mots. Ici, le procédé est légèrement différent puisque ce sont des portraits d’œuvres qui sont portés sur la scène. Chaque livre est choisi par l’acteur ou l’actrice en collaboration avec Maxime Kurvers dans un procédé souvent proche de la conférence. Et dans une introspection, le livre et l’interprète ne font qu’un et, bien évidement, chaque chapitre nous permet de rencontrer un acteur ou actrice.

Etre en scène

Nous avons eu la chance de pouvoir “lire” les chapitres 1 à 14, en deux fois deux heures, avec une pause fort agréable dans le grand jardin attenant au théâtre, cela se note ! Quand nous quittons La Commune, deux autres temps sont à venir. Ne vous attendez pas à une histoire du théâtre, ce n’est pas le sujet même si vous allez en découvrir beaucoup sur par exemple la place qu’à eu Lecoq dans la réhabilitation de la commedia dell’arte qui, on le découvre grâce à la leçon magistrale de Julien Geffroy dans un jeu d’Arlequin inoubliable, était elle oubliée au milieu du XXe siècle !

Je/Jeu

Quel que soit le chapitre, finalement la seule question est la place du je dans le jeu. Il y a ce chapitre à hurler de rire campé par la clownesque Michèle Gurtner devenue l’autrice américaine Stella Adler. Nous basculons en un clip de boucle d’oreille, une perruque et beaucoup d’attitude dans le théâtre juif new-yorkais où l’imagination prend le pas sur l’expérience intime.

Evelyne Didi, en partant de Diderot sur la question de la maîtrise des émotions, raconte comment gérer une scène quand le réel se rappelle à vous. En 1983, elle perd une dent en plein spectacle, the show must go on, elle se démerde, demande de la colle, continue et intègre tout cela au jeu !

L’immense Yoshi Oida vient lui même porter son livre, L’acteur flottant et explique comment “avoir l’air frais”, comme “une fleur”, quelque soit l’âge et l’état. Camille Duquesne, elle, excelle en ancien français comme dans la corporalité de la méthode Meyerhold où elle mènera tout le groupe dans un moment qui dit qu’en matière de théâtre le corps compte plus que le contenu des mots. Cela on le comprendra aussi dans le chapitre de Caroline Menon-Berteux sur l’acteur et sa sur-marionnette de Gordon Graig. Là, nous sommes dans la beauté pure et dans l’idée, très Régy, que c’est de l’ombre que viendra la lumière.

Schizophrénie de l’instant

Ce qui est séduisant, sensible et fascinant ici c’est la schizophrénie de l’instant. Cela va vite sept chapitres en deux heures. Cela veut dire que l’interprète doit, en quelques minutes, nous installer dans une autre histoire, dans un autre geste. Mamadou M Boh nous montre par l’exemple que pour bien jouer, il faut être vrai, c’est-à-dire, ne pas jouer. Tous sont incroyables car tous sont différents et chacun amène son bagage, ses choix, ses parcours. Meyerhold écrit, et Evelyne Didi raconte que c’est sa phrase préférée : “Le mouvement est la base de toute manifestation théâtrale, c’est-à-dire de toute manifestation collective”.

Il y a évidement souvent de la beauté dans Théories et pratiques du jeu d’acteur, beaucoup de virtuosité. Il y a l’affirmation que le corps, que le mouvement est une parole. Et que l’imagination, qu’elle puise sa source dans la réalité ou dans la fiction, peut remplir la scène. Il n’est pas inutile, surtout en ce moment, de rappeler que jouer c’est sérieux, c’est un métier, dur. Essentiel quoi.

Quant aux dates de représentations publiques, normalement le spectacle doit être repris au Festival d’Automne. À suivre.

Visuel ©Willy Vainqueur

Joanna conte l’amour dans son nouvel album “Sérotonine”
Le doyen du prix Renaudot Louis Gardel démissionne
Avatar photo
Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration