Le tambour de soie, le rythme Nô de Kaori Ito et Yoshi Oïda en livestream au Théâtre de la Ville
“En direct live” l’expression si datée des années 90 est tellement d’actualité. Le Théâtre de la Ville qui depuis Mars dernier prend toutes les contraintes gouvernementales et tous les affronts à la culture comme une occasion d’innover, a proposé ce weekend, pour la première fois, un spectacle en direct, devant une salle vide, sur facebook et youtube.
En live
Le tambour de soie a été présenté au Festival d’Avignon lors de sa cession d’automne il y a tout juste une semaine. Kaori Ito, Yoshi Oïda et Makoto Yabuki devaient être programmés à l’Espace Cardin avant que la nouvelle du second confinement ne tombe. Emmanuel Demarcy-Mota a décidé de rien annuler, et c’est donc en “direct” sur la page facebook et le youtube du Théâtre de la Ville, que la servante était allumée et que le conte a pu se réaliser.
Un casting de rêve
Le Tambour est un Nô mais un Nô moderne comme le sous-titre le spectacle, mais c’est aussi, si on ose, un Butô moderne. Il respecte les aspects théâtraux de cette danse et sa volonté de poser un cadre corporel mais il y ajoute une immense dose d’humour et de modernité. Kaori Ito est une immense danseuse, qui vit en France depuis 2003, on l’a notamment adorée chez Platel. Sa corporalité est mixte. Elle partage la scène avec le maître Kabuki Yoshi Oïda, né en 1933 et comédien mille fois vu chez Peter Brook. A la musique le plus marseillais des percussionnistes japonais, Makoto Yabuki, connu pour jouer … sur des instruments en bambou. Un trio de haute volée donc et qui sur scène est à hauteur de casting.
Une danse féline
Le tambour de soie est un vieux conte qui raconte l’histoire d’un vieux monsieur qui veut séduire une jeune femme. La condition est la suivante : si le tambour en soie sonne, elle sera à lui. Dans sa version revue et corrigée par Kaori Ito et Yoshi Oïda nous sommes dans un théâtre. Elle finit sa répétition, lui nettoie le plateau.
Un pas de deux félin et clownesque se met en place, elle lui apprend quelques pas au son de “Dance, dance” de Lykke Li qui donne l’occasion d’entrée de jeu à Kaori Ito de montrer et prouver son intense plasticité.
Entre danse et théâtre, le spectacle ne choisit pas et se glisse dans une allégorie où le rêve, où l’au-delà même s’invite, car si il n’y a pas de fantôme il n’y a pas de nô. Kaori s’empare du plateau en kimono de soie, séduit le tambour dans un virevoltement qui se pare d’atours sensuels dans la flexion des poignets et la déambulation aérienne. Et c’est la première fois que Kaori Ito danse en kimono une écriture traditionnelle. À 40 ans elle ose assumer son héritage et le geste n’a rien mais alors rien de vieillot.
Les percussions donnent le rythme au duo qui incarne le tempo et cette histoire adaptée ici par Jean Claude Carrière. La pièce est extrêmement (trop ?) resserrée. A peine une heure, éblouissante où le pas de deux, délicieux entre ces deux artistes qui se connaissent bien, explose à la fin dans une danse fantomatique d’une beauté ciselée.
La programmation du mois de novembre du Théâtre de la Ville se fera donc en direct. A suivre !
Le Tambour de soie se donnait les 30 et 31 octobre au Théâtre de la Ville.
Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage