
Fous de danse, Boris Charmatz met tout le monde dehors
Si vous nous suivez un peu, vous savez que le chorégraphe Boris Charmatz se passionne pour la transmission vivante de la danse, au point d’avoir renommé le Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne “Musée de la danse”. Oubliez les figures figées et les cimaises, les pas se bouffent live et hier, pour la seconde édition de Fous de danse, c’est dans la rue, sur la place Général de Gaulle de Rennes que la sunday afternoon fever s’est emparée des 16000 participants sous le soleil qui sait être brûlant en Bretagne.
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Pour être plus juste, il faut dire, que cette édition est la première. En interview et à l’ombre, Boris Charmatz raconte : “Sans ce que l’on mis en place au Musée de la danse on aurait pas pu faire Fous de Danse. L’année dernière on l’avait nommé l’édition 0. La première année on avait lancé un roman photo sur le livre de David Vaughan, c’était un atelier et cela permet d’arriver à Fous de danse”. Il ajoute : “On a jamais fait d’événement aussi gigantesque,mais ce qui nous a échauffé c’est de faire des expositions où les danseurs sont à la fois médiateurs, guide. Le visiteur croit visiter un musée, le musée de la danse et se retrouve dans une performance, un atelier. Fous de danse c’est un concentré de cela, mais à une échelle qu’on avait jamais testé avant”
Roman Photo que l’on aura eu la chance de voir un peu plus tard. 20 amateurs dirigés à merveille par Maud le Pladec et Anne-Karine Lescop ont illustré le livre de David Vaughan, Merce Cunningham, un demi-siècle de danse. Et ici, sans autre fil que l’humour et l’hommage à Merce, se succède les portés mythique du boss, les alignements fous, la pop culture et bien sur, le tout en académique. Mais avant cela, bien avant, on aura vu Anne Teresa de Keersmaeker jouer les chauffeuse de salle, ou plutôt d’esplanade. Elle dont ont aime tant la radicalité mathématique a fait exploser le dance floor dans des éclats de rire. “Let’s dance” de Bowie, Alors on danse” de Stromae…Anne Teresa de Keersmaeker nous le glisse rapidement “c’est émouvant tout le monde qui danse ensemble”. Boris Charmatz revient sur sa collaboration avec elle : “Je travaille avec Anne Teresa de Keermaeker depuis plusieurs années, on discute. Elle a fondé l’école de P.A.R.T.S, elle est très à l’écoute. Sa recherche est fine, dans une direction, mais elle a envie de s’ouvrir. A Bruxelles, elle voulait faire des choses dans l’espace publique, avec nous.”
L’intérêt majeur est l’horizontalité de l’événement. Toute le monde est au même niveau, que ce soit Julie Nioche mettant ses interprètes de tous ages et de toutes origines à l’épreuve de l’épuisement dans un rebond au rythme de “The End” des Doors, la transmission du Sacre du Printemps dans la version de Dominique Brun à des enfants ( Dominique Brun est historienne est elle a retrouvé les pas du Sacre de 1913 dont il n’existe évidement aucune captation), ou les danseurs de Garnier venant “refaire” une version allégée ( ils ne sont que neuf à Rennes) de Vingt Danseurs pour le vingtième siècle de Charmatz. Tous égaux dans ce huis clos avec unité de lieu, de temps et d’action qui vient dans un geste très populaire offrir un acte très intellectuel de par les performances montrées.
L’idée n’est pas d’effacer les différences de pratiques et de technicités, au contraire cela les met en relief, mais cela permet aussi, et avec les élèves de P.A.R.T.S ou les danseurs de l’Opera, c’est flagrant, de se rappeler que pour ces danseurs, danser est une joie.
Fous de danse se veut festif, et alors qu’un Soul Train se met en place dans une folie pure, on laisse Rennes qui découvrira bientôt les chefs d’œuvres Enfant de Boris Charmatz ou encore Violin Phase dansé par Anne Teresa de Keermaker.
C’est fou non ?
Visuels : ABN