Danse
Somnole, le souffle au corps de Boris Charmatz aux Hivernales

Somnole, le souffle au corps de Boris Charmatz aux Hivernales

12 February 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Créé à l’Opéra de Lille en novembre, passé par l’écrin de Saint Eustache en décembre au Festival d’Automne, le désormais célèbre solo du nouveau directeur du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch se donnait pour un soir, aux Hivernales, dans la FabricA, qui visiblement est le lieu parfait pour ce chef d’oeuvre.

La FabricA est comme une boîte noire pour Somnole. Elle apparaît encore plus immense complètement vide comme ça. C’est comme un gouffre, celui de la nuit sans sommeil, dans lequel le danseur et chorégraphe glisse. Il y a le son avant le geste. On entend siffler au loin, et pour le moment toute référence à Joe Dassin tombe à l’eau. La lumière presque verte d’Yves Godin allonge le corps de Boris Charmatz qui semble errer comme un fantôme, les bras levés et ballants en même temps.  Torse nu et jupe faites de pans à la façon d’un patchwork. 

Boris siffle ou souffle, on ne sait pas, pour l’instant, la danse est méditative, ancrée dans la mémoire du corps. Charmatz est flottant. Puis la lumière se fait sculptrice, offrant des flaques qui isolent encore plus le danseur sur cet immense plateau conçu aux mesures de celui de la Cour d’Honneur. Dans ce lieu la solitude devient un manifeste, l’occasion pour le danseur de revenir sur son parcours l’air de rien.  On a souvent vu Boris sauter très haut sans trampoline, courir vite (Partita 2), tomber  (Levée des conflits) et tout le temps s’interroger, comme Anne Teresa de Keersmaeker, sur le lien entre le son et le geste, la musique et le rythme. Plus précisément, la question est : qui contrôle qui ?

Avec Somnole, il choisit d’être sa propre bande son, annulant toute possibilité d’écrasement de la musique sur les pas ou l’inverse.  Cela nous offre un portrait qui s’écoute autant qu’il se regarde, à bout de souffle parfois, les lèvres serrées ailleurs. 

Le corps de Boris est traversé de toutes les danses qu’il a écrites et /ou dansées, mais aussi de sa pratique du Yoga, évidente dans son rapport au souffle et à l’équilibre. Sa technique se mixe avec les danses pop, comme le slow qui ici devient un crève cœur d’une beauté rare.  Il ne cesse pendant 1h15 de faire entendre sa respiration, ce qui est épuisant. Il ne s’économise jamais, offre des cassures très justes dans cette pièce jamais littérale. 

Tout est très écrit et on a pourtant la sensation d’une permanente liberté. Le corps apparaît comme hors de contrôle, comme quand on bouge en dormant. Chez lui cela donne des appuis sur les avant bras qui changent à toute allure des dos à la diagonale, des vrilles comme dans Fase à qui Boris rend hommage en refaisant le pivot iconique de cette chorégraphie, avec son ombre projetée sur le mur. 

C’est donc à un portrait de Boris Charmatz que nous assistons ébahis. Un solo habité, contrôlé où le danseur occupe son espace comme rarement.

Si vous êtes à Avignon ce 12 février, sachez que le film issu du spectacle La ronde est diffusé gratuitement de 14h à 18h au Grenier à Sel.

Visuel ©Marc Domage

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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