[Chronique] « Confection » : lendemain de cuite lyrique pour Sébastien Tellier
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A l’image du titre du morceau introducteur du disque, Sébastien Tellier dit « Adieu » au diptyque concept-album hédoniste et christique (Sexuality, My God Is Blue), et bonjour à un retour aux sources quasi-exclusivement instrumental avec Confection, le septième album de sa carrière.
De face et coupé au niveau du buste, le barbu le plus célèbre de la scène French Touch deuxième génération fixe l’objectif avec stupéfaction, saucissonné par des lignes de partitions sur lesquelles se déplacent des flamants roses semblables à des notes de musique mouvantes. La photo en guise de pochette d’album est signée Jean-Baptiste Mondino, et brouille les pistes au moment d’insérer l’objet circulaire dans notre lecteur cd : non, malgré les cordes serrées qui entourent son visage, Sébastien Tellier n’est pas métaphoriquement enfermé dans une cellule carcérale musicale qu’il aurait lui-même mise sur pied, mais s’éloigne au contraire de l’ambiance hyper conceptuelle et grandiloquente de ses deux derniers opus, qui avaient trouvé un apogée absolu et formidable sur le très farfelu My God Is Blue.
Si l’on excepte les nappes vocales traînées sur l’étendue du premier épisode de « L’Amour Naissant » (qui en compte trois au total), l’album est en effet exclusivement instrumental, et alterne avec une logique homogénéisatrice des séquences classiques articulées par un orchestre de cordes, quelques discrets effluves électroniques, et une panoplie acoustique menée par le trio basse / piano / batterie.
Mis à part l’électro de kermès glissée comme une farce sur le morceau « Waltz », le disque se distingue de ses deux prédécesseurs par sa sobriété, et rappelle à la mémoire ses toutes premières productions sonores, alors semblables à des bandes-originales de films réalistes et romantiques de la fin des années 70. Comme sur le mythique Politics et son apothéose fleuve et phare « La Ritournelle », on y retrouve d’ailleurs la présence de Tony Allen à la batterie (le collaborateur du légendaire parrain afrobeat Fela Kuti), ainsi que celle au mixage du Motorbass / Cassius Philippe Zdar, dont on aura cependant bien du mal à retrouver l’empreinte habituellement si prononcée (on se souvient de son arrangement bodybuildé et boursouflé sur le dernier disque de Phoenix).
Si la version live de Confection ennuie (on a pu le comprendre le week-end dernier au cours d’un concert soporifique donné à la Cigale…), la version audio envoûte, et projette dans le cerveau les images d’une longue mélancolie romantisée (dans la forêt enchantée de Pan, peut-être), où se croiseraient flûtes, violons, caresses sensibles au piano, morceaux aux titres rococos (« Adieu comme un jeu », « Delta Romantica »…) et vestiges d’un passé clownesque et emphatique duquel il ne semble plus rien demeurer. Plus du tout de bleu ici, mais du noir et du blanc déversés délicatement dans une vapeur de sensibilité onirique et lyrique qui fera voyager les sens plutôt que les gambettes et les hanches. Tellier paraît avoir décuvé, et, blackout total, laissé dans le même temps ses lauriers électroniques et christiques dans de lointains et incertains souvenirs. Reste à savoir qui de la sagesse ou de la folie l’emportera sur l’esprit le plus schizophrène de la scène électronique française. L’avenir est pour l’heure, empli d’une couleur incertaine.
Visuel : (c) pochette de Confection de Sébastien Tellier