Electro
[Live report] Tellier au Casino de Paris : trip psychédélique et déjanté

[Live report] Tellier au Casino de Paris : trip psychédélique et déjanté

05 December 2012 | PAR Bastien Stisi

« N’écoutez pas mon disque, écoutez mon message ». Ces paroles prononcées par Sébastien Tellier il y a quelques mois en marge de la sortie de My God Is Blue, son dernier album studio personnel, raisonnent, aux lendemains du concert de l’artiste au Casino de Paris, comme une évidence absolue qu’il convient de prendre résolument à la lettre. De musique et de son disque, il n’en a été en effet que trop peu question lundi soir, au cours d’une performance que le public a trop abondamment passé à écouter les élucubrations hilarantes mais trop nombreuses du génial auteur français, aux dépens des nombreux tubes que lui offre pourtant son répertoire musical.

On savait l’univers de Tellier perché et décalé, empli d’une mégalomanie et d’un anticonformisme inhérent à son univers musical et scénique. Mais avec la sortie de son dernier opus, le folklore grandiloquent du gourou bleuté a encore pris une dimension nouvelle, envoyant graviter Tellier et son Alliance Bleue dans des hauts et lointains horizons où il n’est guère possible de le rejoindre sans l’absorption abusive d’un tas de produits alcoolisés ou illicites. La consommation desdits décompresseurs psychédéliques n’étant pas (encore) autorisés sur le territoire hexagonal, pas plus que dans les travées du Casino de Paris, on pensait au moins profiter de la géniale pop électronique de Tellier pour espérer atteindre, le temps de quelques heures, le semblant d’une connexion avec l’univers sectaire et mystique du grand barbu aux cheveux longs. Hélas, Sébastien Tellier est un homme d’honneur. Ainsi, lorsque finissent de raisonner les orgues introductifs de « Pepito Bleu », l’artiste demande avec courtoisie à son public si celui-ci préfère assister à un spectacle classique et propre ou à quelque chose de plus décalé. C’est naturellement la seconde option qui s’échappe avec ardeur des lèvres de ses contemporains. La promesse sera respectée. Une demi-douzaine de vodka et quelques délires verbaux plus tard, le spectacle peut enfin reprendre, mais la quinzaine de titres interprétés seront sans cesse entrecoupés par les délires hilarants mais répétitifs de cet ovni de la scène électronique française.

Sur « Cochon Ville », Tellier tente d’imiter les images de son clip et la prestation culte offerte sur le plateau du Grand Journal de Canal +, et invite esthètes et filles en furie à  se joindre à sa bacchanale électronique sur scène. Condition sine qua none à cette invitation, ceux qui montent doivent le faire complètement nu…Si les tee-shirts et quelques sous-tifs virevoltent alors dans les cieux, les jeans demeurent, et les organes génitaux restent sagement calfeutrés au sein de leur couverture en textile. Tellier est déçu, ronchonne et picole, mais offrira tout de même quelques-uns de ses plus grands tubes, comme « Divine », « Roche » ou « Russian Attractions », dont le public reprend les « I Love you » avec délectation.

Sur les hauteurs du Casino de Paris, le charismatique artiste est entouré de deux musiciens. Le tableau est étonnant : en considération de son dernier album, c’est un orchestre philharmonique au grand complet que l’on s’attendait plutôt à découvrir sur scène…De toute manière, peu importe les collaborateurs : le chanteur et ses lunettes opaques captent tous les regards, et ce même lorsque celui-ci s’offre un bain de foule improvisé : « Vous me donnez de l’amour, c’est bien ! Mais moi, c’est de la coke que je veux”, annonce t-il alors. Tellier fait le clown désinvolte, parvient à faire rire la salle, et offre un spectacle superbe à son public lorsqu’il se décide véritablement à chanter : des lumières bleutées lascives ou scintillantes servent de leitmotiv scénique à une performance articulée autour du délire pseudo sectaire de My God Is Blue, tripe psyché qui envoie le loufoque géniteur sur une estrade surélevée comme une divinité barrée sur un Olympe pop. Sur « l’Amour et la Violence », Tellier lâche sa guitare pour s’installer sur le siège d’un piano, et livre au Casino de Paris sa plus belle prestation de la soirée. Instant tendresse.

On s’attendait à une permanente orgie électronique et participative, souffle sensuel et salvateur émanant de l’un des plus talentueux artistes de sa génération. La jouissance et les moments de grâce furent réels. Mais trop courts. Désespérément trop courts.

Visuel : (c) pochette de My God Is Blue de Sébastien Tellier

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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