Sida, les récits de survivants : Tristan Garcia, Mathieu Lindon et Olivier Charneux
Qu’ont en commun le prix de Flore 2008, le prix Médicis 2011 et un texte autobiographique à paraître en janvier chez Grasset ? Tristan Garcia, Mathieu Lindon et Olivier Charneux abordent frontalement la question du sida dans une dimension à la fois littéraire et sociale. À travers ces trois textes marquants au titre poético-existentiel qui fait certainement écho à l’œuvre princeps d’Hervé Guibert (À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie), la maladie apparaît clairement comme une guerre à de laquelle certains anciens combattants ont réchappé… Coup de projecteur sur ces romans qui abordent le sida sur le mode passéiste du témoignage.
En 2008, la collection Blanche des éditions Gallimard publie avec éclat le roman à clé d’un talentueux jeune homme de moins de 30 ans : La meilleure part des hommes. Tristan Garcia, né en 1981, présente les années sida à la fois sur le mode du roman à clé et de la saga. Au cœur du livre, il y a le témoin, Elisabeth, femme journaliste qui a échappé à la maladie . Un prix de Flore adapté avec succès sur les planches et qui donne à Guillaume Dustan, Hervé Guibert et au mouvement Act up l’éclat mordoré des grands combats mythiques et passés.
Également très référentiel, mais très clair sur les clés qu’il offre sur le milieu intellectuel gay du début des années 1980, Ce qu’aimer veut dire est un témoignage et un roman autobiographique. Mathieu Lindon parle à la première personne d’un jeune écrivain plein d’espoir et de vie qui fait ses premières expériences, sexe drogue et dialectique, avec les « grands » qui tournent autour de Foucault. La maladie vient dévaster ce monde brillant et libre tandis que, 30 ans plus tard, en 2011, l’auteur confirmé Lindon parle de ces années avec toute la profondeur du rescapé. Un autre récit conjugué aux beautés tristes du passé.
À venir et donc difficile à décrire sans s’y être plongé, le roman d’Olivier Charneux Tant que je serai en vie est très attendu et paraîtra le 15 janvier prochain chez Grasset. L’écrivain, auteur de théâtre et comédien, y dépeindra sa jeunesse tumultueuse et créative, qui, comme celle de Mathieu Lindon, s’est passée dans les milieux des intellectuels gays de la fin des années 1970. Épargné par la maladie, le témoin parle également de la terreur de perdre, un à un, ses amis les plus proches. « C’est l’art et les artistes qui m’ont sauvé »… Un roman qui se présente déjà comme une déclaration d’amour à de nombreux créateurs dont Pina Bausch, Barbara, Claude Lanzmann et Marguerite Duras.
Visuel : © couverture de La meilleure part des hommes, éditions Gallimard