Jérôme Lèbre décrypte la pensée de Jacques Derrida sur la justice chez Michalon
Philosophe, Jérôme Lèbre enseigne en classes préparatoires littéraires. Ses travaux portent sur l’idéalisme allemand ainsi que sur la philosophie contemporaine française. Après plusieurs ouvrages, l’enseignant vient de publier une introduction à la pensée de Jacques Derrida, récemment parue aux éditions Michalon.
DÉCONSTRUIRE
Jérôme Lèbre rappelle d’emblée que Jacques Derrida n’était « pas l’inventeur de la déconstruction ». Le Dictionnaire de l’Académie française évoquait déjà ce mot en 1798. Les définitions étaient, toutefois, multiples et renvoyaient notamment à la grammaire et à… l’architecture. La déconstruction n’est pas seulement le désassemblage, elle correspond également à la reconstruction. L’un ne va pas sans l’autre. La déconstruction n’est pas stérile, mais bel et bien… constructive !
DÉCONSTRUCTIONET JUSTICE
Le philosophe français n’eut de cesse de dénoncer l’illusion d’une présence pleine du sens dans chaque mot, comme l’explique l’auteur. Toute parole ne serait pas donc neutre, de même que les significations qui leur sont attribuées. De tels mécanismes sont empreints de violence.
Dans cette perspective, «la déconstruction, affirmait Jacques Derrida, est la justice », car elles renvoient toutes deux toujours au-delà d’elles-mêmes. Pour Jérôme Lèbre, elles ne tiennent à aucun mot, elles ne se laissent fixer dans aucune définition, elles échappent à toute institution du même.
La justice, qui n’est pas le droit, s’oppose aux pouvoirs des langues et des nations. Comme le rappelle l’auteur, cette dernière se dissémine dans les lois grecques et juives, naturelles et positives, antiques et révolutionnaires, nationales et internationales. La justice remet en jeu l’histoire de la pensée et de la politique, dissociant toujours le présent de ce qu’il devrait être. La justice ne se présente jamais comme telle. Elle est toujours à venir.
Analysant les différentes dimensions de la pensée de Jacques Derrida, Jérôme Lèbre affirme le réalisme du philosophe qui tendait à mettre en lumière les rapports de forces structurant la démocratie et toutes les institutions. Comme la déconstruction, la démocratie serait aporétique : « elle exige à la fois le respect de la singularité et le décompte homogène des voix, la considération de l’altérité et l’identification du citoyen, la défense des minorités et le règne de la majorité, l’expression du peuple et sa représentation ».
Un ouvrage éclairant, mais exigeant.
Jérôme Lèbre, “Derrida. La justice sans condition“, Michalon, février 2013, 125 p., 10 euros.