Cinema

Mostra de Venise ep. 5 : To the Wonder, Outrage Beyond, Blondie

03 September 2012 | PAR Raphael Clairefond

02 septembre 2012. Les jours se suivent et se ressemblent sur le Lido. Pendant que les familles bourgeoises et les retraités de l’île profitent de leurs derniers jours de plage et de soleil, les festivaliers enchaînent les films et ronchonnent en sortant. Au programme du jour, tout le monde attendait Malick au tournant avec To the Wonder , son nouveau film après la palme de Tree of Life, et la suite d’Outrage de Takeshi Kitano.

 

Le film coup de poing de la Mostra ? Ho, ho.

Le film du jour : To the Wonder de Terrence Malick

Quelques heures après la fin du film, que nous reste-t-il de l’expérience, puisque chaque nouvel opus en est vraiment une ? Des images, beaucoup d’images, des voix off, beaucoup de voix off, des paysages, beaucoup de paysages… Comme d’habitude, me direz-vous ; Quoi d’autre ? La beauté svelte d’Olga et le ridicule touchant de Javier, grimé en prêtre pour l’occasion. Un récit, une histoire ? Il n’y en a pas, ou si peu. Encore moins de dialogues. Ben Affleck tombe amoureux d’Olga Kurylenko, il la ramène aux Etats-Unis, elle repart, elle revient…

To the Wonder se présente comme un concentré pur du style et des obsessions malickiennes, du sirop sans l’eau pour le diluer et les glaçons pour le rafraîchir. Quelque chose de sucré et d’un peu écoeurant, qui vous colle au cœur et à l’esprit sans jamais vraiment les pénétrer. Après Tree of Life, Malick se débarrasse de son attirail cosmogonique (si ce n’est que la tortue marine a remplacé le dinosaure) pour filer au ras des champs de blés, tout à sa quête effrénée d’une épiphanie permanente. Cherchant la « merveille » du titre, le beau, voire le sublime, partout, il finit par ne plus être nulle part, comme Dieu du reste.

 

C bô

Car les questions sont les mêmes : faut-il choisir la voie de la nature ou la voie de la grâce ? Comment vivre avec l’amour charnel et le faire durer ; où trouver Dieu, censé être partout mais qu’on ne rencontre nulle part, surtout pas dans les banlieues paupérisées de l’Oklahoma, rongées par la drogue, le chômage et la pollution des sols ? Il va même jusqu’à pousser la métaphysique au carré : quel est cet amour qui nous aime ? En deux heures, vous vous doutez bien qu’il se contente de poser les questions et que nous sommes bien en peine d’y répondre.

Ben Affleck est ici employé à sa « juste valeur » : comme un roc monolithique autour duquel danse Olga Kurylenko, et la caméra avec. C’est Le Nouveau monde transposé à notre époque. Le film se construit ainsi, comme un tourbillon de vie, de moments de grâce, de jeux enfantins et de disputes, dans une nature majestueuse rendue plus vibrante que jamais par les rayons du soleil. Les feuilles des arbres et la mer du Mont Saint-Michel scintillent esquissent un pas de deux avec cette fameuse lumière, omniprésente et mystique.

Depuis Tree of Life, la question du kitsch, de l’imagerie publicitaire, des paysages National Geographic est presque devenue secondaire. Plus gênante, cette impression que « la vie » telle qu’on la perçoit dans le film n’est faite que de climax, de moments forts (le rire OU les larmes) sans qu’on puisse jamais sentir le délitement d’un couple, l’ennui, le repos, les temps faibles.

Comme le couple qui vit dans cette maison vide et qui ne prend jamais le temps de l’emménager, nous traversons le film sans que Malick ne nous laisse l’habiter. On embarque à bord d’une sorte de grand huit émotionnel qui nous grise sur le moment, qui nous renverse la tête mais qui nous laisse sonné et hagard, vidé. Et puis, avec ce sentiment épuisant de plonger dans un maelström d’images sans pouvoir en sortir, tout finit par se brouiller, les personnages deviennent des figures si abstraites qu’ils fuient dans notre mémoire comme des fantômes tirés d’un songe dont on ne sait pas s’il est un rêve ou un cauchemar.

Le film s’ouvre sur les deux amants se chamaillant dans le train. La séquence est tournée à l’iPhone. Malick ne nous avait pas habitué à ce genre d’expérimentations pixellisées, et semble-là chercher une énergie nouvelle. Peut-être qu’il tenait là sans le savoir la clé de son renouvellement : en appauvrissant ses moyens, il retrouverait peut-être le goût du hasard, de la beauté qui vous prend par surprise et un geste tracé dans un sentiment d’urgence qui ne se préoccuperait plus de la perfection du coup de pinceau. S’il fallait le comparer à la trajectoire de Godard, disons qu’il pourrait ainsi passer directement du Mépris à Film Socialisme, sans passer par la case départ.

Outrage Beyond de Takeshi Kitano

Clown blanc

Avec cette suite au déjà très pénible Outrage présenté à Cannes il y a quelques années, Kitano semble faire son Expendables en solitaire : revenant de prison pour foutre la merde (un coup de perceuse par-ci, un coup de couteau par là) et régler ses comptes avec la famille de yakusa la plus puissante. Pourtant, jamais il ne choisit franchement la voie de l’auto-dérision et de la comédie sur le mode du « too old for that shit ». Il n’y avait pourtant plus que ça à faire, tant Kitano a essoré le genre en le réinventant mille fois.

Seule idée intéressante, ce flic qui tire les ficelles en sortant Kitano de sa tôle et qui joue le rôle de gendarme (comme on parle du « gendarme européen »  celui qui régule la circulation des grosses berlines. Quand l’un des acteurs abuse de sa position dominante, on encourage l’apparition de nouveaux entrants pour l’affaiblir.

Pour le reste, la complexité des démêlés entre les personnages et les familles, qui mettent une heure à se mettre en place avant un bain de sang interminable et attendu, qui plus est filmé sans aucune envie de jouer avec les attentes du spectateur, laisse perplexe.

Reste à savoir quand Kitano se décidera à retrouver l’inventivité dont il a su faire preuve par le passé.

Blondie de Jesper Ganslandt

Festen x Melancholia

Pas de surprise, ce film de famille suédois navigue entre deux îlots rocailleux très prisés de la cinéphilie : Bergman (Sonate d’automne) et Vinterberg (Festen). Trois sœurs reviennent dans la grande maison bourgeoise de leur mère (veuve?) pour célébrer en grande pompe ses 70 ans. Au menu : tendre nostalgie, vieilles jalousies et règlements de compte. Découpé en trois actes, il peut tout aussi bien convoquer le théâtre de Tchekhov, mais encore faudrait-il que ces références soient digérées pour produire quelque chose de nouveau et de vraiment personnel…

Blondie, c’est en fait le surnom de la sœur aînée, porte d’entrée et bombe à retardement de la famille. Mannequin probablement en fin de carrière, sa carrure imposante et son allure un peu vulgaire tranchent avec une famille beaucoup plus sage et policée. Dans cet univers de femmes, elle impose à la fois ses atours sexuels et sa physionomie de bonhomme pour incendier littéralement les bibelots de ses sœurs et l’existence pépère de la vénérable matriarche qu’elle reproche de l’avoir abandonnée en la laissant filer à Milan, à quinze ans.

Le film est à son image, à la fois luxueux, sexy et en même temps trop lisse, trop maquillé. Il n’a ni l’ampleur tragique de Bergman, ni la noirceur malsaine de Vinterberg. Mis en scène avec élégance mais sans grande inspiration, la tension des rapports familiaux et le charme de ses héroïnes ne sont jamais transcendés par la moindre idée un tant soit peu originale.

L’iphone 5 sortirait en octobre
Paris est à vous ! Le week-end abolit les zones de transport
Raphael Clairefond

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration