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Chloé Mazlo : “Le Liban est une terre propice à la création”

Chloé Mazlo : “Le Liban est une terre propice à la création”

22 February 2022 | PAR Marion Allard-Latour

Chloé Mazlo, réalisatrice du très poétique Sous le ciel d’Alice, vient de remporter le Prix du Syndicat français de la critique de cinéma dans la catégorie meilleur premier film français 2021. Elle parle de  son parcours jalonné de succès et évoque son lien avec la critique. 

En 2020, vous avez réalisé votre premier long métrage, Sous le ciel d’Alice, qui raconte l’histoire d’une famille libanaise pendant la guerre (1975-1990). Vous-même avez des origines libanaises. Est-ce un hommage à ce pays alors qu’il est touché par une crise politique et économique ?

Lorsque j’ai commencé à écrire en 2015, la situation au Liban s’était stabilisée. Pendant le tournage, nous étions dans une énergie très différente de maintenant. Le pays a connu une vraie dégradation à partir de janvier 2020. 

J’aurais fait un autre film si j’avais dû l’écrire ou le tourner aujourd’hui. Je me serais notamment posée la question suivante : doit-on parler du passé alors que le présent est compliqué ? Je suis née en France mais toute ma famille est libanaise. J’ai toujours été fascinée par ce pays. C’est un territoire que j’ai envie d’explorer. La question des origines m’a toujours nourrie. 

Le film a connu un succès critique important, avec une présentation à la Semaine de la Critique à Cannes. Êtes-vous attentive à ce qui se dit lors de la sortie de vos films ?

En ce qui concerne les courts-métrages, c’est surtout la presse spécialisée qui en parle. Pour Sous le ciel d’Alice, je pense que j’ai été moins attentive. Le fait qu’il ait été sélectionné à la Semaine de la Critique m’a beaucoup touchée. Le film a plu à des gens qui voient beaucoup d’oeuvres cinématographiques. Cela veut dire qu’il leur a parlé. 

À la sortie, j’ai lu les critiques en diagonale pour voir si c’était bien ou pas. Je ne m’y suis attardée pleinement que quatre mois plus tard car ma grand-mère me demandait de lui envoyer des articles (rires). À ce moment-là, je me suis rendue compte que j’ai été gâtée. 

En 2015, vous avez remporté le César du meilleur court métrage d’animation pour Les Petits Cailloux. Est-ce qu’il y a eu une bascule à cet instant ? Cette récompense vous -a-t-elle ouvert des portes pour réaliser votre long métrage ?

J’ai l’impression que la bascule a surtout été intérieure. Je n’ai pas fait d’école de cinéma et c’est comme si je devenais légitime à être réalisatrice. Le César m’a surtout aidé dans le sens où des producteurs ont été plus attentifs à mes demandes. 

Cependant, j’ai beaucoup plus osé demander des collaborations à des musiciens, par exemple. 

Selon vous, la presse est-elle importante dans le parcours d’un film ? Craignez-vous l’influence qu’elle peut avoir sur le public ?

Si la presse ne suit pas, cela peut être compliqué. Avec Sous le ciel d’Alice, nous avions besoin d’elle pour que je puisse réaliser un second film. Si les critiques sont bonnes, tout est plus simple. 

Dans Sous le ciel d’Alice, vous ne montrez pas les paysages ou les rues du Liban. Est-ce un choix de votre part ?

C’est volontaire car je voulais que l’on reste dans l’appartement. J’ai vu beaucoup d’images du Liban détruit et je me suis dit que le film n’était pas le lieu pour cela. 

Néanmoins, des cartes postales du Liban sont montrées lors de l’arrivée d’Alice. Au début, elle est dans la joie de découvrir ce nouveau pays. Je me suis inspirée de ce que m’a raconté ma grand-mère et de son ressenti quand elle est arrivée au Liban. Elle disait que tout était beau. 

Nous avons aussi eu des contraintes car nous ne pouvions pas tourner au Liban. Les extérieurs du film se sont déroulés à Chypre. 

Comment avez-vous choisi les acteurs ?

Je connaissais le travail de Wajdi Mouawad et j’avais vu des films avec Alba Rohrwacher. C’était mon premier choix et ils étaient disponibles au même moment. Pour les seconds rôles, nous avons fait les essais à Paris. L’un des comédiens du film était aussi directeur de casting car il connaissait tous les acteurs libanais de Paris. 

Quels sont les artistes libanais qui vous ont inspiré ?

Il y a Wajdi Mouawad, bien sûr. J’aime beaucoup l’écrivain Amin Maalouf. J’ai aussi eu la chance de travailler avec le musicien Bachar Mar-Khalifé et j’écoute la chanteuse Fairuz presque tous les matins. 

Tout le monde peut citer un artiste libanais. C’est une terre propice à la création. 

Et quels sont les réalisateurs que vous admirez ?

Il y en a plusieurs. Pierre Etaix, Sacha Guitry, Roy Andersson. Ce sont des réalisateurs qui restent dans des mises en scène assez figées. 

J’apprécie également Michel Gondry pour le mélange des techniques et le réalisateur tchèque Jan Svankmajer, qui fait partie de l’École d’animation de son pays. 

Avez-vous d’autres projets de courts ou de longs métrages ?

Oui. Et pour un autre film sur le Liban, étant donné la situation, je ne saurais trop quoi faire pour le moment. Mais il m’influence toujours dans mon travail. Avoir été élevée par des parents libanais fait que j’ai une façon de penser et un humour proche de ce pays. Parler en images, par métaphores, est quelque chose de très oriental. 

Visuel : © Maxime Chanet 

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Marion Allard-Latour

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